Brève réflexion sur la raison pour laquelle l’économie doit primer sur la politique : trois cas d’étude

Pour cet exercice intellectuel de justification de la raison pour laquelle l’économie doit primer sur la politique, il est bon de partir de l’étymologie grecque des deux termes économie et politique. En effet, en grec ancien, oïkonomia est constitué de oikos, la “maison” et de nomos, dérivé nominal du verbe nemo, “distribuer”. Or, distribuer, dans son sens dénotatif, c’est, selon le dictionnaire Robert, « donner à plusieurs personnes prises séparément une partie d’une chose ou un ensemble de choses ». Distribuer est donc synonyme de donner, répartir, allouer.

À cause de cette étymologie grecque, le vocable économie fait donc référence à la gestion de la maison, en tant que “lieu d’habitation et de production”. Ce lieu et l’activité de production qui s’y déroule constituent l’ossature de la maisonnée, qui, dans la Grèce antique, consiste, d’une part, en une unité familiale composée des parents et des esclaves et, d’autre part, en une unité de production agricole et artisanale. Voilà ce qui peut être dit de l’étymologie grecque du mot

« économie ». Voyons à présent ce qu’il en est du vocable « politique ».

De par son étymologie, le vocable politique, qui renvoie au politikos du grec ancien, est formé à partir de deux termes : polis qui signifie « cité-état » et -ikos, suffixe adjectival qui a donné en français -ique, suffixe qui s’ajoute au radical polis pour signifier « qui concerne le citoyen », en l’occurrence, le citoyen de la cité-état d’Athènes, dans la Grèce antique. Il s’agit, à vrai dire, d’une notion polysémique qui renvoie à trois entités qui sont en distribution complémentaire : politikos (« la société organisée, la civilité et la vie en commun »), politeia (« comment organise- t-on cette vie en société ? Selon quel modèle ? Avec quelles valeurs ? ») et politikè (« la pratique du pouvoir et ses luttes politiques »).

Dans un blog posté le 5 novembre 2018, Yves Patte, sociologue, spécialiste de communication et de participation citoyenne, en offre une représentation graphique reproduite ci-dessous. En effet,

il voit dans l’usage contemporain du terme politique, un enchaînement logique entre les trois mots grecs constitutifs du vocable français politique. Il caractérise cet enchainement logique de la manière suivante : « Ces 3 origines du terme s’enchaînent l’une à l’autre dans une suite logique : pas de “politikè”, sans “politeia”, et pas de “politeia” sans “politikos”. C’est évident : pas besoin d’élections s’il n’y a pas une forme d’organisation de la société, et pas besoin d’organisation de la société, s’il n’y a pas de société ».

Il regrette, d’ailleurs, que les politiciens d’aujourd’hui ne s’intéressent qu’au troisième sens : (politikè) au détriment de (politikos) et de (politeia). Il en tire la conclusion que voici : « Une des dimensions du fossé entre citoyens et politiques, c’est que les citoyens sont préoccupés par ce qui se passe dans leur vie, au sein de la société, de la Cité, ‘politikos’, alors que les politiques semblent préoccupés par leur (re)élection, ‘politikè’. On ne parle pas de la même ‘politique’ ».

Voilà l’évolution historique des deux termes économie et politique à partir de leur origine dans la Grèce antique jusqu’aux acceptions qu’ils revêtent aujourd’hui. Il faut noter une interaction entre ces deux termes. Cette interaction peut être déduite de la représentation graphique ci-après, dans

la mesure où l’existence de la cité présuppose celle des oïkia ou maisons sans lesquelles il ne saurait y avoir de cité. Pas de polis s’il n’y a eu au préalable des oïkia, car, c’est l’ensemble des oïkia qui constitue la polis ou la cité-état qui, par l’adjonction du suffixe adjectival -ikos devient politikos : « qui concerne le citoyen » de la cité-État d’Athènes, dans la Grèce antique, autrement dit : sa société, sa civilité et sa vie en commun.

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Il découle de cette interaction entre ces différents termes une justification de la raison qui fait dire que l’économie prime sur le politique, à tout le moins, du point de vue conceptuel. Pour autant, ce n’est toujours pas évident dans la pratique quotidienne où la politique, au sens originel de politikè, c’est-à dire « la pratique du pouvoir et ses luttes politiques », semble dominer toutes autres choses, dans notre monde contemporain et principalement africain.

Comment se manifeste la primauté de l’économie sur la politique ?

En général, les pays occidentaux, dans leur grande majorité, adhèrent à la doctrine de la primauté de l’économie sur le politique. Car, pour eux, c’est l’économie qui leur permet de s’imposer sur la scène internationale. Aussi, modifient-ils sans états d’âme leurs pratiques politiques en fonction de leurs intérêts économiques d’abord. À titre d’exemple, nous allons nous pencher sur le cas spécifique de la France, l’ex-puissance coloniale des 14 colonies françaises de l’Afrique ausud du Sahara, au moment où le Général Charles de Gaulle revient au pouvoir en 1958. Il doit faire face (1) au vent de la révolte post-libération qui souffle sur tout l’empire colonial, (2) aux mouvements des indépendances qui balaient la planète et auxquels la France ne pourra pas échapper.

Bien sûr, la solution politique sera le référendum d’octobre 1958 qui a engendré la Vème République française et deux ans plus tard, au début de l’année 1960, la cascade des indépendances politiques, octroyées sans plus aux 14 ex-colonies françaises. Mais le Général avait une conviction profonde, celle qu’il a toujours situé en amont de son discours politique (le référendum de 1958, la Vème République, les indépendances africaines), c’était l’indépendance énergétique de la France si ce pays-là voulait être reconnu comme une puissance mondiale.

L’indépendance de l’Algérie de 1962, obtenue suite à « une guerre fratricide » allait faire perdre à la France une source essentielle de son indépendance énergétique, à savoir le pétrole saharien

qu’il fallait à tout prix remplacer par une autre source importante, le pétrole gabonais. Pour De Gaulle, la nouvelle stratégie pour aller à la conquête du pétrole mondial consistait à mettre en place un système, la « Françafrique », qu’il fonde principalement sur le binôme Pierre Guillaumat et Jacques Foccart. Le premier, « fondateur de ELF, la grande compagnie pétrolière publique française, […] accepte que la compagnie pétrolière devienne le bras armé de la France en Afrique et qu’une partie de ses profits colossaux serve à financer des opérations secrètes [de stabilisation et pourquoi pas de déstabilisation si besoin est et donc de contrôle] dans les anciennes colonies [d’Afrique du sud du Sahara] ». Le second, « un des plus actifs du retour au pouvoir du Général de Gaulle en 1958, devient le grand ordonnateur occulte de la politique africaine de la France, avec le titre officiel de Secrétaire de l’Elysée, chargé des affaires africaine et malgache ».

Cette analyse de la mise en place, pendant un demi-siècle, de la Françafrique, un système de stabilisation et donc de contrôle de 14 ex-colonies françaises d’Afrique, au sud du Sahara, sur la base d’un binôme constitué d’un « stratège industriel » et d’un « ordonnateur occulte de la politique africaine de la France » n’est pas de mon fait. Elle ressort d’un film signé Patrick Benquet et produit par la Compagnie des Phares et Balises, en coproduction avec l’INA, avec laparticipation de France Télévisions et de LCP Assemblée nationale, avec le soutien de la Région Ile-de-France et avec la collaboration d’Antoine Glaser, en qualité de conseiller historique. Le film porte le titre de Françafrique : 1ère partie : La raison d’État. Il a été réalisé à l’occasion des obsèques d’Omar Bongo, l’ancien chef d’État du Gabon décédé le lundi 8 juin 2009. Voici le propos introductif de la voix off par laquelle débute ce film, du reste assez révélateur :

« Juin 2009, le Gabon enterre son président, Omar Bongo. Image idyllique : deux présidents de la République, l’ancien et le nouveau réunis pour un hommage commun et fraternel au défunt africain. Mais l’image est trompeuse. Au-delà des haines et des trahisons engendrées par la rivalité politique, la loi du silence doit régner. Car ici, en terre africaine, il y a depuis près d’un demi-siècle, trop de complots partagés, trop de coups d’état sanglants organisés, de dictatures protégées. En public, rien ne doit filtrer. Autour du président Sarkozy, la délégation française est le reflet d’un mélange, d’une connivence qui transcende les époques, les camps politiques et même les personnages publics et hommes de l’ombre. Politiciens de gauche et de droite, francs-maçons, conseillers officieux ayant servi l’ancien et le nouveau président, pléthore de ministres de la Coopération, amis d’enfance du président, omniprésent en Afrique et aux fonctions inconnues. Tous détiennent une part du secret ».

Il ne paraît pas présomptueux de penser et d’affirmer que la « part du secret » que détient chaque membre de la délégation française, « le reflet d’un mélange, d’une connivence qui transcende les époques, les camps politiques et même les personnages publics et hommes de l’ombre » est sans doute l’interaction du politique et de l’économique, celui-ci commandant, guidant et orientant celui-là. C’est une magnifique illustration de la primauté de l’économie sur la politique, non plus seulement au niveau conceptuel comme décrit plus haut, mais surtout dans sa mise en pratique concrète, aux fins d’assurer un bien-être décent à la population française dans sa vie quotidienne.

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À contrario, dans la plupart de nos pays africains, en particulier ceux anciennement sous tutelle coloniale française, les politiciens font croire, très souvent, que la souveraineté de ces pays-là

s’obtient par les discours dont ils abreuvent leurs populations naïves et par la tenue d’échéances électorales que les pays riches leur imposent d’organiser tous les cinq ans (quinquennat) ou tous les sept ans (septennat), même si les conditions d’élections justes et transparentes ne sont pas du

tout réunies. C’est le contenu du message du Président français, Nicolas Sarkozy, lorsque le micro lui est offert, alors que la dépouille mortelle d’Omar Bongo n’est pas encore mise en
terre : « Je veux dire aux Gabonais : maintenant, c’est à eux de choisir et eux seuls, Je veux vous dire de la façon la plus simple et la plus claire : La France n’a pas de candidat ». La réplique de la voix off ne se fait pas attendre : « Difficile à croire. Comment la France pourrait-elle se désintéresser d’une telle succession ? »

Nonobstant la déclaration solennelle du Président Sarkozy, la France a eu son candidat, puisque l’ancien chef des services secrets français au Gabon, l’Agence France Presse locale (AFP), l’ambassadeur de France au Gabon au moment des faits mais surtout Michel de Bonnecorse, ex- Monsieur Afrique du Président Jacques Chirac, les vrais chiffres disponibles donnent le principal

opposant d’Ali Bongo comme le vrai vainqueur, soit 42% pour celui-là et 37% pour celui-ci. La victoire du candidat de la France est obtenue en inversant simplement les scores. Quant aux opposants qui sont pléthore, ils se contentent seulement de se réclamer « tous d’un peuple muet, qui n’a jamais profité des richesses du pays ».

Cela ne nous rappelle-t-il pas un autre événement douloureux en terre africaine ? En effet, avant l’élection présidentielle ivoirienne de 2010, le Président Sarkozy n’avait-il pas déclaré haut et fort que la France n’avait pas de candidat à cette élection présidentielle en Côte d’Ivoire ? Nous connaissons toutes et tous la suite.

Le contrôle, au moins partiel, des secteurs économiques stratégiques dans nos pays africains, particulièrement dans les ex-colonies françaises, devrait constituer la priorité des priorités. Ce contrôle économique ne saurait être confiné dans un rôle secondaire qui le subordonnerait à la pratique du pouvoir et aux luttes politiques engagées pour l’exercice de ce pouvoir. En sus, il convient de mentionner que les postes de la fonction publique et même les postes électifs, et c’est le cas pour la grande majorité des nationaux dans nos pays africains anciennement sous tutelle française, ne font pas partie des secteurs économiques producteurs de richesses et générateurs d’emplois pour nos nations africaines en voie de développement.

Or, les jeunes de ces nations africaines (la population africaine est actuellement la plus jeune du monde avec un âge médian de 19,7% par rapport à l’âge médian mondial estimé à 30,4%) devraient s’investir majoritairement dans les secteurs économiques générateurs de richesses et d’emplois, en devenant des entrepreneurs, des auto-employeurs, s’ils veulent survivre dans notre monde moderne et actuel de la compétition farouche et de la globalisation.

Il faut donc changer de paradigme en orientant davantage les jeunes africain(e)s vers l’auto- emploi, c’est-à-dire l’entrepreneuriat. Oui, dans l’Afrique du 21ème siècle, la majorité des jeunes africain(e)s, du moins une portion significative de cette majorité devrait, au terme de leur éducation et formation, choisir de devenir des entrepreneur(e)s plus tôt que postuler des emplois qui en font des salarié(e)s. La culture de l’entrepreneuriat devrait prendre le dessus sur celle du salariat, pour la survie de nos nations africaines.

Les lignes ci-dessous présentent successivement, à titre d’illustration, trois études de cas pour appuyer l’argumentaire développé dans les deux concepts susmentionnés. Il s’agit ici de

confirmer l’hypothèse fondatrice de cette brève réflexion. Dans cet ordre d’idée, l’auteur de l’une de ces trois études de cas ne déclare-t-il pas ceci ? : « La première conquête que vous devez mener à son terme, c’est la conquête de vous-même, parce que si vous n’êtes pas parvenu à vous conquérir vous-même, vous ne pouvez conquérir rien du tout ».

Cette citation sur la « conquête de nous-même » nous interpelle, pour autant, toutes et tous. En tout état de cause, elle nous place face à notre conscience, comme devant un miroir. La réalité qui nous est renvoyée par ce miroir est ce qui est mis en jeu dans la démarche de la CSDIDD. Cette démarche consiste à se lancer à la « conquête » de toutes celles et de tous ceux que vous voulons amener à s’approprier les idéaux, la cause de notre société multifonctionnelle. Comment allons-nous nous y prendre de la meilleure manière possible, en vue d’exécuter au mieux la stratégie dite « populiste », qui est une première par rapport aux stratégies du passé dites

« élitistes », lesquelles ont, maintes fois, été utilisées, avec des succès mitigés, dans la diaspora africaine en général et ivoirienne plus particulièrement ?

Résumés des trois études de cas

S’agit-il d’une étude de cas –une analyse portant sur plus d’un cas ? Ou alors est-il question d’un cas d’étude –examen sous divers angles d’un cas spécifique ? Dans le cadre de la présente réflexion, il apparaît difficile de privilégier celui-ci au détriment de celle-là et vice versa. En conséquence, l’une et l’autre expression seront utilisées, sans préférence de l’une à l’autre.

Le premier cas d’étude prend son origine au Bangladesh, dans le village de Jobra, une localité située dans le voisinage de l’Université de Chittagong où le jeune professeur, Dr. Muhammad Yunus, enseigne l’économie. En 1974, une famine touche sévèrement le pays. En voyant mourir tant de gens autour de lui, ce jeune professeur d’économie est pris d’un vertige qui fait voler en éclats toutes les théories économiques qu’il s’est appropriées, lors de sa formation universitaire. Il décide alors de s’intéresser de plus près au mode de vie misérable des paysans pauvres de Jobra. Dans ce processus, il se rend compte que la source principale de leur misère est due à la difficulté d’accéder à des crédits bancaires. Il en conclut que « si les pauvres recevaient un bon départ et des encouragements, leur entrepreneuriat naturel prospérerait » et il ajoute ceci : « Les êtres humains ne sont pas nés pour travailler pour quelqu’un d’autre ». Il se met donc à la recherche d’une solution pour résoudre ce problème de pauvreté des villageois de Jobra.

Le second cas d’étude est extrait d’un document sonore produit par l’intellectuel guadeloupéen, Jean-Philippe Kalala Omotunde, chercheur en histoire, spécialiste des sciences et mathématiques africaines et des humanités classiques africaines. Sa cible est la communauté antillaise de la France métropolitaine. La raison de cette vidéo, c’est la controverse créée autour d’une déclaration d’une dame, qui, au cours d’une émission présentée en boucle sur les réseaux sociaux, a affirmé sans ambages que les esclaves travaillant dans les plantations étaient bien traités par leurs maîtres. L’auteur renvoie dos à dos la dame et ses auditeurs/auditrices. En revanche, il s’attèle à examiner la thématique de ce qu’il qualifie « le manque de volonté de puissance » chez les membres de la communauté noire en général et antillaise en particulier. Il soutient que depuis ses années d’étudiant, il a observé comme une constance chez eux ce déficit de « volonté de puissance », Et la conclusion qu’il en a tirée, c’est que la communauté-cible de

sa vidéo n’arrive pas à se faire respecter des autres communautés qu’elle côtoie au quotidien sur le territoire de la France métropolitaine à cause de cette raison fondamentale, qui est le « manque de volonté de puissance ».

Le troisième cas d’étude est la thématique centrale du livre de l’historien et académicien français, Fernand Braudel. Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVe et XVIIIe siècles. Dans cet ouvrage se trouve exposée la théorie braudélienne de la disposition étagée (à trois niveaux mais en deux étages) de l’économie des pays riches. Cette théorie est le prisme à travers lequel, Braudel observe, sur la longue durée considérée comme « une innovation révolutionnaire de concevoir et écrire l’histoire », l’économie des pays occidentaux dans sa tripartition, à savoir : l’économie de subsistance, l’économie de marché local et l’économie-monde. Nous allons, à présent, examiner successivement ces trois cas d’étude ou ces trois études de cas.

Premier cas d’étude : Muhammad Yunus

“Nous sommes tous des entrepreneurs”, déclarait au journal, The Guardian, le 28 mars 2017, le récipiendaire du prix Nobel de la paix de 2006, l’économiste et entrepreneur bangladais, Dr. Muhammad Yunus, fondateur de la Grameen Bank, la “banque des pauvres”, le terme
« grameen » voulant dire « villages » dans la langue locale du village de Jobra.

Le Bangladesh est un pays relativement petit par rapport à la Côte d’Ivoire, dans la mesure où, en termes de superficie, il est largement deux fois plus petit que le nôtre, soit 322.462 km2 pour celui-ci et 147.570 km2 pour celui-là. C’est un pays du sud-est asiatique, situé dans la partie nord-est du sous-continent indien. C’est dans ce petit pays-là que naît, le 28 juin 1940, l’universitaire susnommé. En 1976, à l’âge de 36 ans, il introduit une innovation significative dans la pratique bancaire classique en donnant forme à son idée de microfinancement.

En effet, la pratique bancaire conventionnelle consiste à “faire de l’argent”, elle vise à “accumuler du profit”. Or, à partir du postulat que “tout le monde est un entrepreneur naturel”, Muhammad Yunus introduit le concept de “l’entreprise sociale” dans la pratique bancaire. Pour lui, il existe deux manières de faire les affaires dans notre monde contemporain. On fait les affaires pour créer de l’argent, mais on peut tout aussi bien faire les affaires pour résoudre les problèmes du monde. Et pour joindre l’acte à la parole, cet économiste bangladais entreprend, dès 1976, de traduire dans les faits un concept qu’il dénomme « l’entreprise sociale ». Il prête, sur fonds personnel, 27 dollars-US à 42 femmes de Jobra, village proche de son université de Chittagong. Par cette opération, il entend permettre à ces femmes, chacune pour leur part, d’investir ce petit prêt dans une activité rémunératrice pouvant leur offrir l’opportunité de sortir leur famille de la pauvreté. Une telle démarche, estime-il, contribue à trouver une solution alternative de faire du business, en résolvant le problème de la pauvreté en milieu rural bangladais. Cette démarche marque la mise en œuvre concrète de son idée de la

« banque des villages » qui lui a valu, par la suite le surnom de « banquier des pauvres ».

Sept ans plus tard, en 1983, la “Grameen Bank” devient un établissement financier officiel au Bangladesh. Depuis lors, cet établissement financier a déboursé 4, 6 milliards de dollars-US de prêts. Selon Muhammad Yunus, « le taux de remboursement des prêts est de 99,6%, et il n’est jamais tombé en dessous de celui de nos huit années d’expérience ». Il est rapporté, dans

l’interview accordée au Guardian, le 28 mars 2017, que la « banque des villages » a déjà enregistré 9 millions d’emprunteurs dont 97% sont des femmes.

Le succès de la “Grameen Bank” a fait des émules, d’une part, dans des pays émergents comme l’Inde, qui a décidé de mettre sur pied un groupe d’entreprises sociales, et d’autre part, dans des pays développés comme les Etats-Unis, qui comptent aujourd’hui 19 succursales de la “Grameen Bank” dans 11 villes américaines, y compris 8 dans la seule ville de New York. En France également, des entreprises telles que Danone et le Crédit Agricole sont associées à la “Grameen Bank” pour accompagner des institutions de microfinancement, en soutien à des projets d’entreprises sociales en Afrique au sud du Sahara, en Asie et au Moyen-Orient.

Deuxième cas d’étude : Jean-Philippe Omotunde
Contexte historique
Au journal d’ATV Guadeloupe de 19h, le jeudi 15 avril 2016 –VID-20200627-WA0006–, une journaliste interviewe l’historien Jean-Philippe Omotunde, par ailleurs chargé de missions auprès de l’UNESCO et de surcroît enseignant à l’Institut Africamaat de Paris. La thématique de cette interview est de savoir la véracité de la thèse selon laquelle les tablettes et toute la technologie moderne fonctionneraient sur la conception des calculs hérités des mathématiques africaines. En effet, on savait, se demande la journaliste, « que l’Afrique était le berceau de l’humanité, mais elle serait également le berceau des mathématiques ? »

La réponse de Jean-Philippe Omotunde qui ne se fait pas attendre, c’est que, « effectivement, depuis une dizaine d’années, les fouilles archéologiques ont révélé que l’Afrique est bel et bien le berceau des sciences mathématiques ». La preuve en est « l’existence d’une statue de 7 mètres de haut, venue du Congo-RDC et conservée en Belgique. Une telle statue est la manifestation de la première tablette de calcul de l’histoire de l’humanité. Elle atteste de l’invention des 4 opérations de l’addition, de la soustraction, de la division et de la multiplication. Il faut aussi noter la naissance, en Afrique du Sud, de la géométrie de la triangulation datée de -80 mille ans. Cette triangulation est utilisée aujourd’hui pour le GPS. Il faut en conclure que la modernité de la préhistoire rejoint notre modernité d’aujourd’hui ».

Le contexte de la création de la vidéo objet de controverse dans les réseaux sociaux

Dans une émission mise en circulation par une régie de production [VID-20200614-WA0012], une dame affirme qu’à « l’époque des plantations, on entretenait les esclaves ». Cette affirmation est fausse, absurde et ridicule. Elle ne mérite même pas que l’on s’y intéresse, en convient notre intellectuel guadeloupéen. Toutefois, la réaction d’émotion intense qui s’en est suivie, peut-être, en raison de la concomitance de sa diffusion avec la frénésie de réactions suscitées à travers le monde par la mort du noir-américain, George Floyd, qui a agonisé, en direct sur les réseaux sociaux pendant 8 minutes et 46 secondes, sous la pression du genou d’un policier américain blanc, alors que celui-là criait à celui-ci : I can’t breathe : je ne peux pas respirer, a certainement servi de motivation essentielle pour la création de cette vidéo. En effet, selon l’auteur, la réaction émotionnelle des auditeurs/auditrices a eu pour effet d’occulter le message implicite, le non-dit du propos que cette dame voulait sans doute véhiculer à l’adresse de la communauté noire, en général et en particulier, à celle de la communauté antillaise en

France métropolitaine. Selon l’auteur de la vidéo, l’implication du propos de cette dame peut se traduire comme suit : « Nous n’avons pas encore manifesté notre volonté de puissance »

Comment manifestons-nous notre volonté de puissance par des mots et non par des faits ?

Nous manifestons notre volonté de puissance par des mots lorsque nous montons des « murs de lamentations » ; lorsque « nous nous plaignons » de ce qu’on nous a fait ou pas fait ; lorsque « nous sommes en train de nous enfermer dans les drames du passé alors qu’il s’agit d’utiliser l’histoire comme un moteur qui va faire de nous des conquérants ».

Comment manifestons-nous notre volonté de puissance par les faits et par des actes ?

Nous manifestons notre volonté de puissance par les faits et par des actes concrets, lorsque nous sommes à la recherche « de fonds d’investissements » ; lorsque nous sommes à la recherche
« d’initiatives économiques, de rachats, de prises de participations, de tout ce qui participe à la vie de la modernité d’aujourd’hui ».

Comment affirmons-nous notre puissance ?

Nous affirmons notre puissance en décidant « de mettre ensemble notre argent, de créer un fonds de développement économique pour acquérir des pépinières d’entreprises, en vue de placer nos jeunes investisseurs dans ces pépinières d’entreprises ». Oui, quand on veut être puissant, il faut connaître le tendon d’Achille de tout le monde […]. Qu’on ait été noir ; qu’on ait été bleu ; qu’on ait été vert, peu importe la couleur de la peau, si on n’affirme pas notre volonté de puissance, on ne sera pas respecté. Et ça, il faut le comprendre ».

L’utilisation de récits allégoriques pour illustrer son enseignement

L’auteur utilise, ensuite, une série de paraboles afin que son enseignement à ses auditeurs/auditrices tombe sous le sens. Bien sûr, nous avons affaire à un pédagogue, à un enseignant. N’est-ce pas Monsieur le Professeur ?

La première parabole est celle du match de football qui se joue soit à l’extérieur de chez soi, ou bien à domicile. De quoi s’agit-il ? « Si nous Africains, nous nous contentons de jouer nos matchs uniquement à l’extérieur, cela veut dire que nous avons cédé notre volonté de puissance à l’autre, [en l’occurrence le Chinois, pris en exemple]. C’est lui [le Chinois] qui va vendre nos produits ; c’est lui qui parle de nos traditions. On a des boîtes de nuit qui ne sont pas tenues par nous, on a des produits de beauté qui sont faits par d’autres, même pas par nous ».

Nous ne pouvons pas nous contenter des matchs joués uniquement à l’extérieur. « Il y a des matchs de football qu’on ne peut faire qu’à domicile, ça s’appelle l’économie et c’est quoi à domicile ? C’est quand l’argent rentre dans la poche du noir. Il faut que l’argent rentre dans la poche du noir et que nous décidions [de ce qu’il faut en faire] : on achète cette boulangerie, on achète ce bâtiment, on achète cette salle, on achète ça, c’est-à-dire on se met ensemble et on devient propriétaire de ce genre de choses ».

Une seconde parabole est celle des bœufs qui s’échappent de leur enclos lorsque la barrière est cassée. Le paysan avisé ne se contente pas de se plaindre en se disant : il y a tel bœuf qui a enjambé la barrière et qui s’en est allé. Sa démarche est toute autre. Il se dit : « Il faut que je répare ma barrière, parce que c’est la seule façon de mettre un terme à ce problème-là ».

Une troisième parabole est celle des gazelles qui vivent sur le continent africain, où il n’existe pas de barrières entre elles et les lions. Et cependant, « les gazelles ont appris à neutraliser les lions. Même quand les lions viennent à chasser les gazelles, celles-ci savent ce qu’il faut faire pour neutraliser les lions. […] Parce que les gazelles ont étudié le lion et elles ont appris à connaître ses faiblesses ».

L’auteur recommande à ses auditeurs/auditrices d’apprendre à faire comme les gazelles, c’est-à- dire apprendre à connaître les faiblesses des lions qui font partie de notre monde à nous aussi. Connaître la faiblesse des lions, ça s’appelle la connaissance du « Tendon d’Achille ». Et c’est en cela que réside la source de notre puissance. L’auteur se pose alors une série de questions aux fins d’engager ses auditeurs/auditrices à plus de réflexion : « Où est notre volonté de puissance ? Où est notre dimension de conquête ? Où est notre conscience de conquérant ? »

À la question de savoir où est notre volonté de puissance, il répond qu’elle doit se situer dans l’action permanente et non dans la réaction. « Être dans l’action, c’est se donner les moyens d’être puissant dans tous les domaines ; et c’est la seule façon d’être dans ce bas-monde ».

À la question de savoir où est notre dimension de conquête, il réplique que « la première conquête que vous devez mener à son terme, c’est la conquête de vous-même, parce que si vous n’êtes pas parvenu à vous conquérir vous-même, vous ne pouvez conquérir rien du tout ».

Enfin, à la question de savoir où est notre conscience de conquérant, il répond que « nous ne sommes pas dans un monde imaginaire ; nous sommes dans la réalité et dans la réalité, on ne respecte que les conquérants ». Témoin, l’esprit de conquête des Européens.

« Quand les Européens sont partis à la conquête du monde, ils sont partis faire business. Ils sont partis créer des routes commerciales. C’est vrai qu’ils ont pris des armes ; c’est vrai qu’ils ont détruit nos pays ; mais regardez, ce sont les routes commerciales qui ont rendu certaines civilisations puissantes aujourd’hui. Ce ne sont pas les mots. Ce n’est pas ce qu’on nous a fait ; ce qu’on ne nous a pas fait ». Alors fusent une autre série de questions.

« Où sont donc nos routes commerciales ? Où est notre désir de conquête pour créer entre nous des réseaux économico-financiers ? Où sont nos établissements financiers ? Où sont nos magasins ? » Voici le commentaire de notre intellectuel guadeloupéen.

« Quand on part à la conquête, c’est pour bâtir des réseaux commerciaux et pour affirmer sa volonté de puissance. […] Si nous n’assumons pas cette volonté de puissance, forcément, les gens vont nous marcher dessus [quelle que soit notre couleur de peau]. Si on n’affirme pas notre volonté de puissance, on ne sera pas respecté et ça, il faut le comprendre ; et ça ce n’est pas le problème de l’autre ».

Troisième cas d’étude : Fernand Braudel

Contexte historique

L’historien et académicien français, Fernand Braudel (1902-1985) a publié respectivement en 1949 et en 1979 : La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II et Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVe et XVIIIe siècles. Ces deux livres sont deux oeuvres majeures de sa carrière éditoriale. Alors que la première œuvre le consacre « pape de la

nouvelle histoire », la seconde est un essai de catégorisation, à l’échelle du monde, des niveaux de production et d’échanges économiques. Cette catégorisation a été schématisée dans un tableau élaboré, en 2005, par François-Xavier Verschave, économiste de formation, à la page 52 de son livre intitulé La Maison-monde : Libres leçon de Braudel.

Le tableau de Verschave est reproduit ci-dessous. C’est un tableau à double entrée. Il comporte 3 colonnes qui sont (1) une disposition étagée tripartite, (2) une catégorisation économique et (3) un classement politique. Par ailleurs, le tableau est constitué par 3 lignes qui sont (1) l’étage supérieur, (2) le premier étage et (3) le rez-de-chaussée. Le croisement de chaque colonne et de chaque ligne définit la position d’un point soit géographique, soit économique ou encore politique. Par conséquent, chaque croisement d’une colonne et d’une ligne sert à mettre en évidence l’interaction entre l’économie et la politique dans leur relation avec une réalité spatiale et temporelle. Par exemple, au croisement de la ligne du rez-de-chaussée et de la colonne de l’économie se trouve l’économie de subsistance. Quant au croisement de cette même ligne et de la colonne politique, apparaît ce que Verschave dénomme le « pré-politique ».

De la sorte, sont identifiés, dans une telle tripartition ou étagement, les concepts de « l’économie de subsistance », de « l’économie de marché local » et de « l’économie-monde » dans un rapport réciproque avec les concepts de « pré-politique », de « démocratie locale » et de « macro- politique ». Ces concepts sont alors décrits sous leurs aspects économique et politique en tenant compte de l’espace dans lequel ils ont pris corps pour se traduire dans la réalité historique.

Les trois étages braudéliens du tableau de la page 52 de : La Maison-monde : Libres leçons de Braudel,
Par François-Xavier Verschave (2005)

Etage supérieur

Premier étage

Rez-de-chaussée

Economie-monde

Echange local

Economie de subsistance

Macro-politique

Démocratie locale

Pré-politique

Etage de l’accumulation (ressources et puissance) Distance, opacité, arbitraire, double langage, privilèges. Affranchissement du droit commun (retour aux familiarités du rez-de-chaussée)

Très grandes entreprises et institutions financières. Etats, Secteur public. Monopoles et oligopoles. Economie de

« rente »

Politique nationale et internationale. La force tend à primer le droit

Etage des règles de jeu, des régularités et de la régulation. Centre et ligne de flottaison de la vie sociale. Visibilité et reconnaissance

Marché local, Economie déclarée des entreprises individuelles et des PME. Multiplicité des acteurs et concurrence

La cité. Collectivités territoriales, vies associatives, contre- pouvoirs-civiques. Formalisation du débat public

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Etage des fondamentaux. Enracinement culturel (ancrage et sources de
créativité, « cellules-mères). Loi du milieu (non écrite)

Economie de survie. Economie non marchande et informelle

Famille, clan

Economie Politique

« Contribuer à instiller dans l’esprit des Ivoirien(ne)s et des Africain(e)s, un modèle d’économie

innovante et modulaire pour un développement authentique et durable, à l’échelle du village en Côte d’Ivoire et en Afrique, en harmonie avec les Objectifs du Développement Durable (ODD) des Nations Unies, Nous Soussigné(e)s,

  • Conscient(e)s d’une urgence indispensable et incontournable ;
  • Connaissant l’extraordinaire potentiel de développement de notre pays et du continent ;
  • Convaincu(e)s qu’un changement de paradigme ne peut intervenir que par des reformesréelles, audacieuses aux plans politique, économique et social ;
  • Convaincu(e)s également que ce changement doit se faire notamment par la création et ledéveloppement durable des Petites et Moyennes Entreprises (PME), génératrices derichesses et d’emplois décents ;
  • Sachant que le développement des PME nécessite des investissements bien ciblés dans le but,d’une part, de promouvoir la formation et la création d’emplois rémunérateurs et, d’autre part, de stimuler la compétitivité et la rentabilité génératrices de richesses et de bien-être social ;
  • Prenons l’engagement d’apporter notre contribution à la promotion de l’entreprenariat au sein de la diaspora ivoirienne en vue de sa participation effective à la souverainetééconomique de la Côte d’Ivoire par le respect de 4 critères [indiqués dans l’ordre numérique ci-après] et de 7 principes coopératifs [indiqués dans l’ordre alphabétique ci-dessous] :
    1. Création massive d’emplois à valeur ajoutée
    2. Préservation de l’environnement
    3. Défense de normes éthiques élevées
    4. Etat de choses profitables prioritairement aux jeunes et aux femmes
    1. Adhésion volontaire et ouverte à tous
    2. Pouvoir démocratique exercé par les membres
    3. Participationéconomiquedesmembres
    4. Autonomie et indépendance
    5. Education, formation et information
    6. Coopération entre les coopérateurs
    7. Engagement dans la communauté ».

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La motivation de création d’un fonds d’investissement pour le développement durable

La motivation qui a présidé à la fondation de la Coopérative solidaire de la diaspora ivoirienne pour le développement durable (CSDIDD), également dénommée (La-COP) sous son appellation abrégée, est énoncée dans le préambule des statuts de cette coopérative. Elle se lit comme suit :

Il incombe au Comité de pilotage de La-COP (CP-La-COP), une équipe solidaire par la qualité de sa réflexion, par l’énergie déployée et par les heures de bénévolat dédiées à cette noble cause, de conduire à bon port la mise en place des 3 organes statutaires (art. 13 des statuts) de la

CSDIDD, à savoir (1) l’Assemblée générale des associé(e)s coopérateur(e)s, (2) le Conseil d’administration et (3) la Direction générale.

Cette équipe est exhortée à faire un usage sans restriction de son esprit critique comme d’un adjuvant pour s’approprier, à titre individuel mais surtout collégial, la vision, la mission et l’objectif de la CSDIDD, d’une part, et d’autre part, les principes de conduite de celle-ci. Que sont donc cette vision, cette mission et cet objectif, mais surtout les principes de conduite de cette société multifonctionnelle dont le processus de création a été engagé, le 20 juin 2019, à la Chambre de Commerce de Genève ?

Les attributs de cette société se déclinent comme suit: VISION

La création de la CSDIDD est liée à notre vision du rôle que doit jouer la diaspora ivoirienne dans le développement économique de la Côte d’Ivoire. La diaspora ivoirienne doit devenir un acteur majeur et un maillon important de la chaîne de discussions et de décisions stratégiques en matière de développement de notre pays et, comme telle, elle doit s’imposer comme un des interlocuteurs incontournables pour les organismes internationaux d’aide au développement quis’intéressent à la Côte d’Ivoire.

MISSION ET OBJECTIF

Pour que cette vision se traduise dans la réalité, la CSDIDD a pour but d’amener les Ivoirien(ne)s à CHANGER DE PARADIGME en rendant possible l’accès au financement de projets économiquement rentables. Ce faisant, il s’agit : (1) de promouvoir l’émergence d’opérateurs économiques ivoiriens de la diaspora, (2) de former et coacher les candidats àl’investissement dans la définition des projets : les études de faisabilité, l’établissement des business plans et la réalisation des projets, (3) d’ouvrir aux membres de la diaspora des possibilités de formation et de préparation à l’auto-entreprenariat, (4) d’offrir aux bénéficiaires de financements, l’encadrement nécessaire à la réussite de leurs projets et (4) d’octroyer, en cas de nécessité, les garanties nécessaires pour des prêts auprès des organismes de financement. Atravers l’initiative de la CSDIDD, il s’agit de procéder à la constitution d’un capital social, à

hauteur de 200 millions d’euros, équivalant à 20 millions de parts sociales, d’une valeur nominale de 10 € la part. La souscription minimale est fixée à 10 parts. Les statuts de cette société multifonctionnelle précise toutefois qu’il n’y a pas de limite supérieure aux parts auxquelles peuvent souscrire les associé(e)s. Du capital social acquis, 45% seront à placer sur le marché des capitaux pour produire des intérêts, 45% seront destinés aux financements de projets, et les 10% restant serviront de fond de roulement à la CSDIDD afin qu’elle puisse réaliser sa mission.

PRINCIPES DE CONDUITE

Pour réussir sa mission, la CSDIDD, s’impose : (1) de ne jamais intervenir sur des marchés et secteurs spéculatifs, (2) de ne jamais intervenir de quelque manière que ce soit dans les activités politiques ou religieuses, (3) de ne pas ouvrir son capital à des participations étatiques, (4) de ne

pas financer l’acquisition de biens d’équipement, (5) de privilégier les projets créateurs de valeur ajoutée et d’emplois en prenant en compte les préoccupations environnementales et de développement durable, (6) de ne pas participer à des financements d’infrastructures publiques souvent lourds et longs à recouvrer, (7) de veiller scrupuleusement à l’égalité des chances pour tous les candidat(e)s aux financements de projets quelle que soit leurs origines régionales, leurs

genres, leurs opinions politiques et/ou leurs croyances religieuses et (8) de veiller scrupuleusement à la propriété des projets et à leur confidentialité.

Si nous n’y prenons garde, nous risquons d’en rester au seul niveau d’intention, Car, il ne suffit pas de nous contenter de tous ces merveilleux mots qui meublent le préambule des statuts de la CSDIDD, de toutes les belles phrases énoncées dans la vision, la mission et l’objectif et encore plus dans les principes de conduite. Il faut aller au-delà des intentions, des mots et des phrases ronflantes. C’est dans ce dessein qu’il a été proposé, dans les lignes précédentes, (1) une réflexion sur notre relation personnelle au binôme « économie-politique » et (2) une réflexion sur des expériences passées qui peuvent inspirer le CP-La-COP. Il s’agit de l’expérience de la banque des « villages » dans un tout petit pays asiatique. Il s’agit aussi de l’expérience qui a trait à un comportement récurrent chez les membres de la diaspora africaine, spécifiquement la diaspora antillaise en France métropolitaine. Il s’agit enfin de l’expérience du fonctionnement de l’économie de marché sur la longue durée. Quelles leçons le CP-La-COP peut-elle en tirer ? Ce

sera la conclusion de cette brève réflexion sur la primauté de l’économie sur la politique.

Notre relation individuelle vis-à-vis du binôme « économie-politique »

Il n’est pas rare de rencontrer dans la diaspora africaine des partisan(e)s farouches de théorie selon laquelle il n’y aura de développement socio-politico-économique durable dans nos nations africaines que si et seulement si nos dirigeants africains renoncent, une fois pour toutes, à privilégier leurs intérêts personnels, voire égoïstes pour enfin travailler pour les populations au service desquelles ils sont censés agir au lieu de se faire complices des oligarchies financières mondiales afin de préserver leurs survies politique sinon physique. À certains égards, les tenants d’une telle approche ont raison et leur position est confortée par ce que le sociologue Yves Patte dépeint comme la « politique », au sens de la politikè grecque, c’est-à-dire la mise en place de toutes les stratégies imaginables pour se faire élire ou se faire re-élire en autant de fois qu’il leur est possible. De ce point de vue, il y a lieu de dire que la politique doit prendre le pas surl’économie. Mais c’est avoir une vision étriquée de la politique que de la réduire à l’unique sens de la politikè grecque de la Grèce antique.

Si, à contrario, le CP-La-COP veut effectivement contribuer à promouvoir, dans la diaspora

africaine en général mais surtout dans la diaspora ivoirienne qui est son terrain d’ancrage privilégié, la vision de la CSDIDD, alors elle se doit de s’approprier la définition de la
« politique » au sens du politikos, c’est-à-dire la cité et ensuite au sens de la politeia, à savoir l’organisation de la cité (voir, plus haut, le schéma d’Yves Patte). Dans cette perspective, l’économie prend automatiquement le pas sur le politique.

Si nous sommes d’accord sur cette prémisse, nous devrions parvenir assez rapidement à un consensus sur la primauté de l’économie sur la politique, nonobstant nos expériences éducationnelles et professionnelles diverses, –la diversité étant une richesse et non un handicap inhibant. Un tel consensus devrait nous amener à agir en fonction d’un plan d’actionsconsensuel, sans pour autant renier ni nos personnalités individuelles, ni même nos sensibilités,

voire nos divergences idéologiques, si ces deux dernières venaient à se manifester au sein même du CP-La-COP.

En guise de conclusion :
Quel doit être l’essentiel sur lequel le CP-La-COP doit-il se focaliser ?
Au vu des trois cas d’étude ou trois études de cas examiné(e)s plus haut, le CP-La-COP peut

adopter l’attitude et le comportement qui consiste à déplorer la non-prise en compte rationnelle de l’économie informelle, dans nos pays du Sud, par leurs dirigeants politiques, qu’ils soient issus de l’aile gauche ou de l’aile droite de l’échiquier politique de ces nations africaines. C’est précisément cette attitude et ce comportement que Dr. Jean-Philippe Omotunde dépeint comme étant une réaction émotionnelle qui nous fait oublier profondément l’essentiel. En effet, pour cet intellectuel guadeloupéen, l’essentiel auquel il nous invite à adhérer peut se caractériser en ces termes : « Si vous ne faites pas éclater votre volonté de puissance non pas dans les mots mais dans les faits, forcément vous êtes toujours assujettis à ce genre de propos », qui ne servent qu’à enflammer les réseaux sociaux sans plus.

Pour sa part, quand l’économiste Muhammad Junus, pris de vertige devant le mode de vie misérable des paysans pauvres du village de Jobra, va à l’essentiel, cela l’amène à créer un instrument, à inventer un outil pour résoudre le problème qui se présente à lui. Il commence par abandonner son attitude d’économiste bardé de diplômes sanctionnés par les autoritésuniversitaires du Bangladesh et des États-Unis d’Amérique. Ensuite, il ne sollicite l’aide financière de qui que ce soit. Il utilise plutôt ses propres fonds pour donner corps à son idée d’opération bancaire qui ne doit pas être uniquement une institution pour « produire de l’argent » mais une institution qui peut être aussi « une entreprise sociale », aux fins de résoudre un problème donné qui se pose à une communauté donnée, dans notre monde contemporain.

L’historien Fernand Braudel, pour sa part, va à l’essentiel, lorsqu’il propose la disposition étagée des économies des pays occidentaux. Son schéma de la tripartition des ces économies marque
« une rupture explicite avec la vision marxiste traditionnelle selon laquelle les âges historiques se sont succédé selon la chronologie suivante : « esclavage, servage, révolution industrielle et avènement du capitalisme ». L’essentiel sur lequel Fernand Braudel va se focaliser est ceci : « Le capitalisme n’est pas consubstantiel à l’industrialisation du monde, il est au contraire intemporel et émerge aussitôt qu’existent des mécanismes financiers un tant soit peu raffinés et un négoce

au long cours, comme déjà dans l’Empire romain ou la Chine ancienne ».

Quel enseignement profitable, quelle morale le CP-La-COP peut-il tirer des trois cas d’étude décrits plus haut, à savoir la Grameen Bank, l’interpellation de la diaspora antillaise et la disposition étagée de l’économie des pays occidentaux ?
Poursuivant cet exercice intellectuel, initié à l’entame de cette brève réflexion, nous allons à présent appliquer la théorie braudélienne de la disposition étagée des économies des pays riches au cas spécifique de la Côte d’Ivoire qui nous intéresse ici. Selon le schéma braudélien, nous trouvons au-rez-de chaussée de cette disposition étagée de l’économie ivoirienne ce qu’il est convenu d’appeler « le secteur informel » que le FMI, suite à son récent changement de paradigme, présente comme « un levier de croissance pour l’Afrique ». En effet, l’Agence Ecofin a publié la classification 2017 du FMI de trente-sept pays africains. Cette classification

est faite en fonction du poids de leur économie informelle oscillant entre 20 et 65% de leur PIB. Notre pays, la Côte d’Ivoire, se retrouve au 14ème rang des pays dont l’économie informelle oscille entre 30 et 40% de leur PIB, alors que Nigéria occupe le 37ème rang parmi les pays dont l’économie informelle représente plus de 50% de leur PIB. Quant à Maurice, l’Ile occupe la 1ère place des pays dont l’économie informelle oscille entre 20 et 30% de leur PIB.

Au premier étage du schéma braudélien, se trouvent, en ce qui concerne notre pays, toutes les activités et opérations génératrices de richesses et d’emplois. Qui sont les opérateurs à ce niveau ? Ce sont surtout le groupe libanais (40%), le groupe français (35%), le groupe marocain

(d’implantation récente) et certains autres groupes des pays de la CEDEAO, comme le groupe nigérien (gestionnaire de la très grande majorité des petites boutiques qui opèrent jusqu’au fond fin du plus petit village ivoirien).

À mon sens, c’est ici qu’est attendue la diaspora ivoirienne, forte de toute l’inventivité dont elle est capable et forte de toutes les compétentes dont elle regorge. Elle se doit de créer sa niche sur le « marché local » ivoirien, en vue d’une saine compétition avec les groupes constitués susmentionnés qui opèrent déjà à cet étage que Verschave définit, dans l’espace et le temps, comme : « l’étage des règles de jeu, des régularités et de la régulation ; le centre et la ligne de flottaison

de la vie sociale ; la visibilité et la reconnaissance ». Du point de vue économique c’est : « le marché local, l’économie déclarée des entreprises individuelles et des PME, la multiplicité des acteurs et la concurrence ». Enfin, dans une optique politique, c’est : « la cité, les collectivités territoriales, les vies

associatives, les contre-pouvoirs-civiques, la formalisation du débat public ». Les membres de la diaspora ivoirienne ne peuvent réussir à niveau qu’en tant, que devenant un « groupe constitué et non comme un ramassis d’individualités si compétentes soient-elles ».

Car, la diaspora ivoirienne doit faire face aux groupes constitués susnommés, qui opèrent déjà à cet étage de l’économie locale, pour créer les richesses et les emplois de la nation ivoirienne. Voilà le défi que doit relever notre diaspora dont le leitmotiv doit être la mutualisation des expériences individuelles pour éviter les erreurs du passé.

Alors que la diaspora ivoirienne se doit de jouer un rôle essentiel aux deux dispositions étagées de l’économie ivoirienne que sont l’économie informelle et l’économie formelle du marché local, son intervention ou sa présence à l’étage supérieur, celle de « l’économie-monde » occupée par les multinationales, ne me paraît pas être la cible que doit viser sa contribution actuelle au combat de la souveraineté économique nationale.

Bonne réception, bonne lecture et dans l’attente de votre retour : Pascal Kokora

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