Le Président Laurent Gbagbo contraint la France, les Etat Unis et l’ONU à ôter leurs masques : Commémoration du 11 avril 2011 par le Front populaire ivoirien, le 11 avril 2017

Par Bruno GNAOULE Oupoh, Vice- président chargé des relations avec les partis politiques, les organisations de la société civile et des alliances.

Source : http://lecombattant.canalblog.com/archives/2017/04/15/35174483.html

Thème : “Du coup d’état international au procès de la Haye”

Commençons par définir le concept de coup d’état. Le coup d’état est par définition, la prise du pouvoir d’état par une minorité grâce à des moyens non constitutionnels, imposée par surprise et utilisant la force. C’est en termes plus ramassés, la prise du pouvoir de façon violente et illégale.

De ce point de vue coup d’état et révolution ont des points en commun. Ils remettent en cause l’ordre constitutionnel et juridique. A la différence que la révolution agit d’en bas parce qu’elle est l’affaire des masses, du peuple, le coup d’état agit d’en haut, il est l’affaire des gouvernants qu’on vise à remplacer.

C’est dans cette optique, de coup de force illégal pour prendre le pouvoir, que s’est opéré le premier coup d’état militaire du 18 brumaire en 1799 en France, par le général Napoléon Bonaparte pour mettre fin au pouvoir du directoire issu de la révolution française de 1789.

Le coup d’état a pour synonyme aussi le Putsch mot d’origine suisse allemande, et pronunciamento vocable d’origine espagnole.

Mais il y a aussi d’autres formes de coup d’Etat comme le coup d’état civil constitutionnel et le coup d’état électoral dont sont friands les dictatures installées par les pays impérialistes.

Le coup d’état constitutionnel est une mise à l’écart ou un changement de la Constitution par le pouvoir établi, voté frauduleusement dans la confusion et la précipitation, malgré l’absence de débats démocratiques, et de consultations ouvertes auprès des citoyens organisés en constituante. Il s’agit d’un acte de passage en force posé par un régime pour se maintenir au pouvoir par des mandats illimités

C’est le même but visé par le coup d’état électoral qui consiste pour les régimes dictatoriaux au pouvoir à truquer les élections en perpétrant des violences contre l’opposition pour la museler pendant les périodes électorales.

Le coup d’état a aussi d’autres synonymes, comme conspiration, c’est-à-dire un complot tramé contre un régime politique ou un homme politique, ou par un groupe de pays pour dominer tous les autres.

C’est ce que révèle la naissance du nouvel ordre politique mondial qui sera à la base de tous les coups d’état impérialistes à travers le monde.

L’exposé qui suit comprend trois articulations :

Origine, fondement et mécanisme des coups d’état impérialistes à travers le monde ;

Les coups d’état de la France en Afrique ;

Le coup d’état franco-onusien en Côte d’Ivoire.

  1. Origine, fondement et mécanisme des coups d’état impérialistes à travers le monde

L’impérialisme est par définition la politique d’un pays qui cherche à conserver ou à étendre sa domination sur d’autres peuples ou d’autres territoires. Les visées d’expansion d’un pays impérialiste peuvent se faire directement comme c’est le cas des pays colonialistes, la France, l’Angleterre notamment, ou par l’intermédiaire de sphères d’influence (la Banque Mondiale, l’ONU) en ce qui concerne les Etats unis d’Amérique.

Les coups d’état perpétrés par ces pays impérialistes visent donc à conserver, et étendre leur domination sur les peuples et territoires pour s’approprier leurs richesses.

I.1 Origine et fondement des coups d’état impérialistes

Les coups d’état impérialistes prennent leur source dans le nouvel ordre politique mondial qui comprend deux périodes distinctes. Il s’agit de la période 1947–1990, connue sous l’appellation de guerre froide, et celle qui part de 1990 à nos jours.

Ce nouvel ordre plonge sur le plan économique ses racines dans l’immédiat après seconde guerre mondiale (1944-1947) période au cours de laquelle un nouvel ordre monétaire et financier mondial a été créé autour du dollar américain pour éviter l’instabilité économique qui existait pendant l’entre-deux guerres et relancer les échanges internationaux.

Instituée le 22 juillet 1944 par les accords de Bretton Woods, à l’issue d’une conférence qui réunit 44 pays, cette nouvelle organisation de l’économie mondiale, fut en fait négociée entre la France, le Royaume Uni et les Etats-Unis, à l’insu donc de tous les autres participants à la conférence. Il s’agit bien là d’une conspiration.

Ces accords ont établi un Fonds Monétaire International (FMI) dont les patrons ne peuvent être qu’européens (Français ou Anglais principalement). Ainsi qu’une Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) appelée communément Banque Mondiale, dirigée exclusivement par un américain.

C’est avec ces deux institutions, le FMI et la Banque mondiale que les Etats unis vont consolider leur mainmise sur l’Europe occidentale sortie effondrée économiquement de la seconde guerre mondiale.

Fondement économique plongeant ses racines dans les accords de Bretton Woods, le nouvel ordre mondial a aussi principalement au cours de la guerre froide un fondement politique et idéologique. En effet le 11 mars 1947, le président américain Harry Truman annonce sa politique d’endiguement du communisme, qui prévoit d’assister tout pays qui pour conserver son indépendance combat l’expansionnisme soviétique. Truman considère l’opposition ouest/est comme un conflit entre deux systèmes antinomiques “démocratie” à l’ouest contre “le totalitarisme” à l’est.

Paradoxalement l’application de la doctrine de Truman amènera les Etats-Unis à intervenir loin de leur territoire et en faveur de régimes dictatoriaux donc totalitaires. En 1954 les Etats-Unis participent au coup d’Etat au Guatemala qui remplace un gouvernement démocratiquement élu par une dictature.

Tout au long de la guerre froide beaucoup de dictatures d’Amérique latine, d’Europe et d’Afrique soutiennent les politiques américaines et sont soutenues par les Etats-Unis qui les considèrent comme un rempart face à la montée du communisme. L’Espagne de Franco, le Portugal de Salazar, le Chili de Pinochet, l’Afrique du Sud sous le régime de l’apartheid etc.

Démocratie à l’intérieur des frontières de leurs propres Etats, dictatures imposées à l’extérieur dans les autres Etats pour protéger et fructifier leurs intérêts tel est, aujourd’hui, autant qu’hier,  le crédo des tenants du nouvel ordre mondial.

L’expression « nouvel ordre mondial » désigne aussi la mondialisation économique dominée par la pensée unique libérale c’est-à-dire la prise de contrôle de l’économie mondiale par les élites conspirantes, notamment de la finance. Le procédé employé consiste en la déstabilisation des Etats par le financement des rébellions armées en vue de la mise en place de régimes totalitaires dans les pays démocratiques.

Dans cette mondialisation économique, le principe fondateur est que les ressources naturelles que recèle, la planète terre ne sont pas la propriété des peuples établis dans les différents territoires mais bien la propriété des nouveaux maîtres du monde les Etats-Unis et leurs alliés. Aucun obstacle de quelque nature qu’il soit ne doit s’opposer à leur exploitation.

Dès lors, il leur faut avoir le contrôle politique des Etats qui bien qu’indépendants sont placés en permanence sous très haute surveillance. Le mode opératoire utilisé est d’abord l’implantation de bases militaires dans les zones stratégiques et la mise sous contrôle satellitaire des mouvements qui s’opèrent dans chaque territoire. Le mot d’ordre lancé à tous les chefs d’Etats des pays faibles, africains principalement est qu’ils doivent s’inscrire obligatoirement dans la logique du laisser piller les ressources de leurs pays. Toute velléité nationaliste, protectionniste des ressources nationales, et donc souverainiste est interdite.

Ceux qui dérogent à cette règle, en refusant d’obéir deviennent ipso facto des cas atypiques identifiés comme des “mutations monstrueuses” pour l’ordre politique mondial et sont immédiatement pris en charge aux fins de les mettre hors d’état de faire des disciples.

Comme on s’en aperçoit, la mondialisation s’oppose à la démocratie dans les pays visés par les états impérialistes, ainsi qu’à la souveraineté des peuples.

I.2        Mécanisme des coups d’état

Le mécanisme infernal mis en place et qui est d’un machiavélisme diabolique comporte quatre étapes.

Phase 1. La diabolisation à outrance du cas atypique, c’est-à-dire le chef d’Etat ciblé, est accusé de tous les maux et affublé de tous les vilains épithètes, dictateur, voleur, violeur etc. Cette diabolisation commence par une vaste campagne de dénigrement relayée par les puissants moyens de communication et d’information dont dispose le nouvel ordre mondial qui ont vite fait de grossir démesurément les traits du cas atypique. Cette première phase prend fin avec la prise en charge du dossier par l’ONU par une résolution présentée par la tutelle coloniale du pays concerné, adoptée par le conseil de sécurité et destinée à être mise à exécution par l’ensemble des organisations nationales, sous régionales et régionales sur lesquelles des pressions sont exercées.

Phase 2. Affaibli, isolé parce que son pays est mis sous embargo de l’ONU, le chef de l’Etat ciblé, devra faire face soit à un groupe de dissidents au sein de sa propre armée, généralement des hommes de rang, soit à une rébellion armée créée et financée aux fins de déstabiliser le régime en place.

Phase 3. Arrestation, et/ou assassinat du président en exercice indésirable.

Phase 4. Positionnement d’un nouveau président aux ordres pour protéger leurs intérêts.

Voilà le mécanisme inscrit dans un carré à quatre mouvements : Diabolisation – Rébellion – Arrestation – Positionnement (D.R.A.P), mécanisme au moyen duquel le nouvel ordre mondial terrorise les pays fragiles et les peuples en confisquant leurs droits de disposer de leurs richesses.

Cet ordre fondamentalement injuste et antidémocratique se doit d’être combattu en raison aussi des désastres qu’il cause principalement en Afrique.

  1. Les coups d’état de la France en Afrique

Dans les anciennes colonies françaises d’Afrique, l’instrument, de mise en œuvre de ce mécanisme infernal se nomme la Françafrique. L’effarante réalité que recouvre ce néologisme, n’est rien d’autre que des relations entre Paris et les capitales africaines, hors des circuits officiels ou concussion, rime avec affairisme et pots de vin. Et donc où l’odeur de l’argent sale se mêle aux affaires sulfureuses et aux scandales de détournements des deniers publics au détriment surtout des populations africaines.

Ce réseau mafieux la Françafrique, avait deux visages et deux noms à Paris et en Afrique. A Paris la forme la plus parfaite et achevée de la Françafrique était entre 1960 et 1974 Jacques Koch-Foccart, le conseiller politique français secrétaire général de l’Elysée, aux affaires africaine et malgache. En Afrique la Françafrique était incarnée par le président ivoirien Félix Houphouët Boigny, conseiller politique africain officieux auprès de l’Elysée. A ce titre il était le binôme de Jacques Foccart qui l’appelait systématiquement tous les mercredis pour lui donner les recommandations de la cellule africaine de l’Elysée dans la conduite des affaires ivoirienne et africaine. Ce qui explique d’une part la tenue des conseils de ministres pendant toute la durée de son règne, tous les mercredis, et de l’autre la longévité politique de Félix Houphouët Boigny (33 ans au pouvoir 1960-1993). Pion essentiel de la France et adoubé par elle, en dépit de la dictature du parti unique qu’il a instaurée, il a été mis à l’abri des coups d’Etat par le parapluie Françafricain dont il tenait et tirait les ficelles en Afrique.

Dans le cadre du réseau Françafricain, la France entre 1963 et 2011 a assassiné vingt et un (21) chefs d’Etat en Afrique, de Sylvanus Olympio au Togo à Muamar Kadhafi en Lybie, en passant par Thomas Sankara du Burkina Faso (tous pour les mêmes motifs, ils ont refusé d’être des marionnettes de la France), de De Gaule à Sarkozy, par la mise en œuvre du plan conçu à cet effet, le D.R.A.P.

Sylvanus Olympio, premier président de la république du Togo en 1960, est jugé trop africaniste et nationaliste et surtout soucieux de protéger les intérêts du peuple togolais dans l’exploitation des réserves de phosphate. La mise à mort de Sylvanus Olympio est décidée à l’Elysée, et le plan D.R.A.P. mis en route en 1963.

Phase 1. Diabolisation : la France colle dans les médias une image d’émigré antillais, à ce président élu démocratiquement. Il est présenté comme la peste et est traqué jusque dans ses derniers retranchements.

 

Phase 2. Un groupe de militaires avec à sa tête le jeune sergent Etienne Gnassingbé Eyadema est commis par la France pour déstabiliser le régime.

Phase 3. L’assassinat : Poursuivi par la horde de militaires commis à sa mise à mort Sylvanus Olympio réussit à s’échapper. Ne se doutant d’aucune complicité de la France il se réfugie à l’ambassade de France à Lomé. C’est là que l’ambassadeur aux ordres de Paris le fait sortir de sa cachette pour le livrer aux militaires qui l’abattent froidement sur le champ. Puis la France installe un autre civil au pouvoir Nicolas Grunitzki.

Au Congo Brazzaville, Marien N’Gouabi qui accède au pouvoir en 1977 à la suite d’une élection envisage de sortir du giron français et décide de diversifier les relations en s’ouvrant à la Chine et aux pays du pacte de Varsovie. La France perçoit cela comme une insulte et actionne Denis Sassou N’Guesso qui assassine Marien N’Gouabi en 1979 et s’installe au pouvoir.

Il est à noter que ceux des présidents qui n’ont pas été assassinés lors des coup d’état sont contraints soit de quitter le pouvoir, soit de renoncer à leurs visées nationalistes en se dédisant.

En 1992, Pascal Lissouba devient Président de la République après une élection démocratique qui l’a opposé au putschiste Denis Sassou N’Guesso.

Pascal Lissouba met à exécution son programme de gouvernement bâti autour de la décentralisation en vue de permettre au peuple congolais de prendre en charge son développement. En outre Lissouba découvre que la société française Elf Aquitaine est propriétaire des ressources pétrolières du Congo avec 80% des revenus, 10% octroyés à l’ancien président et seulement 10% pour le Congo. Lissouba décide que le rapport soit inversé 80% pour le Congo et 20% pour la France, et refuse le pot de vin proposé. Cette probité morale est perçue par la France comme un affront, une insulte à son autorité.

Denis Sassou N’Guesso est encore activé pour la mise en place d’une rébellion en 1997 avec tous les moyens logistiques, financiers et humains fournis par la France. Le régime démocratique de Lissouba tombe. Depuis lors, Sassou N’Guesso trône à la tête du Congo et est devenu l’un des barons inamovibles de la Françafrique.

La déstabilisation des Etats africains par la France au moyen de coup d’Etat trouve véritablement sa matérialisation dans le caractère chronique des putschs français au Tchad. En 1960 : François Ngarta Tombalbaye est élu président de la république. Mais il a des penchants nationalistes. En 1968 une rébellion est suscitée par la France contre son régime. C’est le Front de Libération Nationale du Tchad (Frolinat) de Goukouni Weddeye qui sert de pion à la déstabilisation.

La pression exercée sur François Tombalbaye à la fois par sa diabolisation (c’est un cannibale assoiffé de chair humaine) et la rébellion qui le traque, le conduit à renoncer en 1969 à ses visées nationalistes en mettant toutes les richesses du pays à la disposition de la France.

L’armée française intervient alors en 1969 pour chasser la rébellion qu’elle avait suscitée. Mais François Tombalbaye est lâché et assassiné par la France parce que jugé peu sûr. “Chat échaudé craint même l’eau froide”, dit l’adage.

Le chef de la rébellion Goukouni Weddeye accède au pouvoir à la tête du gouvernement d’union nationale le GUNT en 1975. Mais il se rapproche du pays voisin la Libye que redoute la France. Ce qui vaut le courroux de l’Elysée à Goukouni Weddeye.

François Mitterrand le président socialiste français donne des moyens colossaux à Hissène Habré pour créer une rébellion et chasser Goukouni du pouvoir. Mais Hissène Habré installé ne respecte pas les clauses du contrat qui réservent à la France le contrôle des richesses pétrolières du pays.

En 1989, Hissène Habré subit à son tour la colère des autorités françaises qui donnent des moyens logistiques et financiers à Idriss Deby et au colonel Ibrahim Itno tous deux anciens compagnons et hommes de main de Hissène Habré pour la mise en place d’une rébellion contre lui.

Idriss Deby prend le pouvoir en 1990 après la chute de Hissène Habré. Mais Idriss Deby refuse, lui aussi dans un premier temps, de céder le pétrole tchadien à la France, qui entre 2008 et 2009 par deux fois, arme des rebelles pour le renverser. Idriss Deby va se dédire par la suite en ouvrant tous les gisements pétroliers à la France qui le prend alors sous sa protection et chasse les rebelles.

Le Tchad se présente ainsi comme un cas chronique d’infantilisation et de déstabilisation d’un Etat africain par la France pour lui voler ses richesses en foulant au pied tous les principes de souveraineté et de démocratie dont elle se gargarise tant officiellement.

La France n’a que faire de la démocratie en Afrique. “Ce continent et ses citoyens ne sont pas encore assez mûrs pour cette denrée réservée à l’occident”, disait sentencieusement Jacques Chirac. Et Sarkozy de renchérir hypocritement dans son allocution à l’université de Dakar le 26 juillet 2007 «La colonisation n’est pas responsable de toutes les difficultés actuelles de l’Afrique. Elle n’est pas responsable des guerres sanglantes que font les Africains entre eux. Elle n’est pas responsable des génocides. Elle n’est pas responsable des dictateurs». Or comme on vient de le voir c’est bien l’impérialisme français par le néo-colonialisme qui installe depuis toujours les dictatures en Afrique francophone. Et le cas de la Côte d’Ivoire n’échappe pas cette perfidie.

  1. III. Le coup d’état franco-onusien en Côte d’Ivoire du 11 avril 2011

Si comme on vient de le voir, les cous d’état de la France dans son giron africain se sont effectués et passés comme une lettre à la poste, rapidement selon le mécanisme DRAP (Diabolisation, Rébellion, Arrestation et positionnement du valet) décrit plus haut, pour ce qui est de la Côte d’Ivoire, la françafrique aura beaucoup de fil à retordre.

Cette organisation mafieuse va se heurter en Côte d’Ivoire à une très forte résistance incarnée par un homme, Laurent Gbagbo, et un parti politique, le Front Populaire Ivoirien. Pour toucher aux racines du coup d’état qui verra son aboutissement le 11 avril 2011, il faut remonter jusqu’au début des années quatre-vingt-dix.

Situation inédite dans l’histoire des coups d’état impérialistes et principalement françafricains, le coup d’état contre Laurent Gbagbo va durer plus de deux décennies 1990–2011.

En 1988, Laurent Gbagbo rentré d’un exil politique crée dans la clandestinité un parti politique, le Front Populaire Ivoirien.

Première mesure de rétorsion prise par le Président Félix Houphouët Boigny : l’arrestation et l’emprisonnement de Anaky Kobenan considéré comme le financier de ce parti.

En octobre 1990 sans avoir réuni les conditions d’un scrutin équitable juste et transparent le PDCI organise avec son ministre de l’intérieur les élections présidentielles. Félix Houphouët Boigny candidat sortant, au pouvoir sans discontinuité depuis trente ans, se présente pour un septième mandat. Son adversaire déclaré Laurent Gbagbo, secrétaire général du Front Populaire Ivoirien.

Dans le contexte de cette époque, la candidature de Laurent Gbagbo relevait purement et simplement de la folie. Oser affronter Félix Houphouët Boigny grand Gourou de la Françafrique, c’était faire un affront à la France et pratiquement signer son arrêt de mort. En dépit des tripatouillages et autres inversions de résultats, Laurent Gbagbo est crédité de 18% et prend du même coup la tête de l’opposition politique ivoirienne.

Ce courage politique relevant de la démence n’était pas fait pour surprendre chez ce démocrate ancien gibier des geôles sous le parti unique 1969, 1971. Il s’agissait donc d’un récidiviste notoire que la Françafrique décida de surveiller de très près. Commence alors la phase 1 du plan destiné à le mettre hors d’état de nuire, en mettant fin à ses jours.

Une campagne de diabolisation est engagée. C’est dans cette perspective comme le note bien le Prof DEDY Séri que les années 90 sont des années d’émergence et de cristallisation des anathèmes et toutes les formes d’ostracisme contre le FPI. Le parti de Laurent Gbagbo a été traité de “parti d’imposteurs”.

III. 1 L’assassinat manqué du Secrétaire général du FPI  Laurent Gbagbo le 18 février 1992

Le 18 février 1992, une marche est organisée par le FPI pour exiger du gouvernement la prise de sanctions contre les soldats qui ont brutalisé et violé des étudiantes à la cité universitaire de Yopougon.

Laurent Gbagbo dans le collimateur de la Françafrique, savait deux jours avant que cette marche allait être mise à profit pour l’assassiner. “Le 16 février 1992, souligne-t-il, j’apprends qu’on va profiter de cette marche pour nous réprimer violemment. Certains amis qui l’apprennent viennent me dire de surseoir à cette manifestation. Je refuse, il y a des moments où les crises doivent arriver. Sinon on ne donne pas de leçon au peuple (…) je ne sais pas exactement ce que mes adversaires avaient décidé. Mais c’est un dispositif de mort”.

De fait comme l’a confirmé par la suite son épouse Simone Gbagbo après la manifestation “Nous avons été attaqués. La marche a été dispersée mais dans une violence incroyable. Il (Laurent Gbagbo) a échappé à la mort. (…). Quelqu’un a tiré sur lui et c’est une dame à côté de lui qui a reçu la balle et qui est tombée”.

Un autre exemple de courage et surtout du sens du sacrifice au profit de la cause commune qu’est l’avènement de la démocratie. Ces évènements douloureux qui ont conduit à l’emprisonnement de Laurent Gbagbo, durant sept mois avec son épouse et son fils, avaient été couverts d’un manteau de silence par les réseaux mafieux de la françafrique.

En 1999, après le coup d’état qui a mis fin au régime totalitaire d’Henri Konan Bedié et la transition militaire qui a suivi, le candidat Laurent Gbagbo du FPI se présente à l’élection présidentielle de 2000, et est élu Président de la République.

La françafrique qui, par son exécutant Alassane Dramane Ouattara premier ministre de Félix Houphouët Boigny, avait raté l’assassinat de Laurent Gbagbo, le 18 février 1992 a d’autant plus mal accueilli son accession au pouvoir, qu’elle a aussitôt actionné son pion Ouattara devenu président du RDR pour accentuer la diabolisation de Laurent Gbagbo devenu Président de la République.

La phase 1 de la diabolisation commencée en 1990 contre le FPI et son leader va donc se concentrer désormais sur Laurent Gbagbo Président inattendu par la françafrique, cela pour mettre en condition l’opinion et la préparer au coup d’état qui va être fait.

Dès la proclamation des résultats et avant même que le Président élu Laurent Gbagbo ne soit investi dans ses fonctions, Alassane Dramane Ouattara crée un charnier fictif à Yopougon dans la forêt du banco, et dont il impute la responsabilité au Président élu Laurent Gbagbo. Le scénario ficelé en liaison avec les réseaux mafieux de la françafrique, présentant Laurent Gbagbo comme un sanguinaire est abondamment diffusé en boucle dans tous les médias occidentaux. Mais ce n’est pas tout, le Président Laurent Gbagbo sera traité de xénophobe, qui n’aime pas les étrangers principalement les malinkés-musulmans. Un film « La Côte d’Ivoire poudrière identitaire » a été produit à cet effet par un belge, Benoit Chauer où Gbagbo devient le père d’une idéologie ivoiritaire, concept pourtant créé par Henri Konan Bedié. Dans la foulée le cacao produit en Côte d’Ivoire est présenté à l’extérieur par Dramane Ouattara comme entaché de sang d’enfants esclaves que Gbagbo exploite et tue à la tâche dans les champs de cacao.

Pendant que la françafrique l’accusait ainsi de tous les maux en le criblant de tous les anathèmes de criminel, xénophobe, dictateur assoiffé de sang, le président Laurent Gbagbo déroulait son programme de gouvernement en mettant en œuvre sereinement le projet de société du Front Populaire Ivoirien.

En moins de deux ans, avec un budget sécurisé sans apport extérieur, le taux de croissance qui était négatif à -2,3% est passé à -0,9% à la fin de 2001 et s’acheminait en positif vers 5 à 6% à la fin de 2002. Dans le même temps, la Côte d’Ivoire qui avait été mise à l’écart sous le régime militaire, a vu sa place rétablie dans toutes les institutions internationales. La confiance retrouvée avec tous les partenaires la Côte d’Ivoire pouvait décoller.

Il fallait mettre un terme à cette ascension, à cette réussite qui risquait de faire tâche d’huile en Afrique dans le pré-carré français. La France qui entrainait depuis 2000, au Burkina Faso des rebelles au camp militaire de Pô les arme pour faire un coup d’état en Côte d’Ivoire, en vue de renverser le Président Laurent Gbagbo.

III. 2 De l’échec du coup d’état militaire de 2002 au coup  d’état constitutionnel de Marcoussis 2003

La France par ses mercenaires attaque la Côte d’Ivoire dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002. Le coup d’Etat échoue, et se mue en rébellion qui se réfugie dans la partie Centre, Nord et Ouest du pays, sous la protection de la France qui envoie une force d’interposition et instaure une zone dite de confiance.

Refusant d’appliquer les accords de défense entre les deux états en cas d’agression, “la France ne donne pas non plus le droit à l’Etat ivoirien de riposter, elle l’oblige à la négociation avec les rebelles”, souligne avec amertume le Président Laurent Gbagbo dans son ouvrage cosigné avec François Mattei, Pour la vérité et la justice.

Cette obligation à discuter avec les rebelles va se traduire par le coup d’état constitutionnel opéré à la table ronde de Marcoussis en France en janvier 2003, visant à déposséder le Président Laurent Gbagbo de tous ses pouvoirs.

La Constitution ivoirienne d’août 2000, interdit l’usage de la force armée pour accéder au pouvoir d’Etat. Or non seulement le coup d’état militaire entrepris par les rebelles était anticonstitutionnel mais aussi et surtout la France, en dépit de l’échec de ce putsch, avait décidé de le légitimer en faisant fi de la Constitution ivoirienne.

Dans l’entendement néo colonialiste et méprisant du concepteur de la table ronde de Marcoussis, Dominique Galouzeau de Villepin, l’Etat de Côte d’Ivoire n’existe pas et ne peut donc pas avoir un chef à sa tête.

Le Président Laurent Gbagbo, souligne  cet effet, dans son ouvrage déjà cité, parlant de cette table ronde : “je n’y suis pas invité, c’est-à-dire que l’Etat de Côte d’Ivoire n’est pas convié à une discussion sur l’avenir de la Côte d’Ivoire. Je ne suis convoqué qu’à la réunion de l’avenue Kleber qui doit suivre, où doivent être signés les accords. Je ne participe pas, je n’ai pas mon mot à dire, mais on me demande de venir signer. C’est exactement ça la Françafrique, j’ai refusé de signer, Chirac m’a demandé pourquoi ? J’ai expliqué que pour les Ivoiriens cela apparaitrait comme une prime donnée aux rebelles parce que Ouattara était notoirement considéré comme l’organisateur et l’auteur de l’agression de septembre 2002.”

A Marcoussis, conclut le président Gbagbo sur ce chapitre : “la France m’a fabriqué une opposition armée avec laquelle on m’a demandé de gouverner. Les rebelles avaient perdu la partie et la France les a remis en selle sur le même plan que le pouvoir légitime. De Villepin appelait ça « la diplomatie en mouvement », moi j’y vois plutôt un coup d’état en gants blancs”.

Le coup d’état constitutionnel de Marcoussis prend tout son sens dans ce que vient de souligner le Président Laurent Gbagbo.

Mais, même s’il en applique certaines dispositions ce coup d’état visant à réduire le Président Laurent Gbagbo à une sorte de reine d’Angleterre échoue aussi. Le Président Gbagbo tient les leviers du pouvoir. Son principal soucie reste de réunifier le pays, en mettant un terme à la crise.

De 2002 à 2007, pendant cinq ans, il va rechercher la paix en initiant des rencontres à travers toute l’Afrique. De Lomé à Ouagadougou, en passant par Accra et Pretoria, il a fait beaucoup de concessions.

“Dans mon propre camp, note-t-il à cet effet, tout le monde n’a toujours pas compris que j’aille aussi loin dans le dialogue, après la guerre qu’on nous a faite en 2002”.

C’est dans cet esprit de recherche de la paix et subissant les pressions de toutes sortes que le président Laurent Gbagbo a été quasiment la seule partie à respecter et satisfaire les engagements pris aux derniers accords, ceux de Ouagadougou signés en mars 2007. Les rebelles qui devaient désarmer avant le scrutin présidentiel de 2010, n’ont pas tenu leurs engagements.

III. 3 Le Président Laurent Gbagbo contraint la France,  les Etat unis et l’ONU à ôter leurs masques

L’élection présidentielle se déroule. Laurent Gbagbo en sort vainqueur et est investi président de la République par le Conseil Constitutionnel. Le scénario qui a conduit à l’installation d’Alassane Dramane Ouattara au pouvoir en mai 2011 est bien connu pour n’y plus y revenir ici.

Mais ce sont plutôt les enseignements et les conséquences des actes posés directement par la France, les états Unis et l’ONU qui sont intéressants ici.

N’ayant pu conduire les rebelles à opérer eux seuls le coup d’état pour renverser le régime du Président Laurent Gbagbo, la France et ses alliés ont dû finalement ôter leurs masques et agir à visage découvert en posant des actes qui les mettent aujourd’hui en difficulté et qu’ils ne peuvent pas nier.

Comme on l’a vu le coup d’état a duré une décennie 2002–2011, mais plonge ses racines dans la décennie précédente. C’est cette longue et courageuse résistance du peuple ivoirien avec à sa tête le Président Laurent Gbagbo qui a contraint la France et ses alliés à ôter leurs masques et commettre des erreurs politiques graves.

L’implication directe de l’ONUCI dans les combats en armant, transportant les rebelles par des opérations aéroportées ;

La présence des deux ambassadeurs français et américain à l’Hôtel du Golf, le quartier général du candidat Alassane Ouattara où ils ont donné des directives pour proclamer leur candidat vainqueur ;

L’embargo décidé sur les médicaments. Aucun produit pharmaceutique ne pouvait rentrer en Côte d’ivoire. La population civile a été pendant plusieurs semaines privée de soins, ce qui a entrainé de nombreux morts. L’embargo sur les médicaments est un grand crime contre l’humanité ;

Le refus de la solution de recomptage des voix préconisée par Laurent Gbagbo, mais déjà appliquée dans une situation similaire aux Etats-Unis même, puis en Haïti dans le même temps que se déroulait la crise post-électorale ivoirienne et qu’ils ont préconisée en RDC et tout récemment au Gabon. Cela révèle bien à la face du monde que ce n’est pas la démocratie que l’on visait à instaurer en Côte d’Ivoire mais un homme de main Alassane Ouattara.

Face à l’incapacité des forces rebelles à venir à bout des forces de défense et de sécurité ivoiriennes, l’armée française a dû intervenir elle-même directement et cela sous les projecteurs des médias pour détruire la résidence présidentielle par une pluie de bombes.

A ces cinq erreurs, il faut ajouter une sixième commise après le 11 avril 2011 par la France et ses alliés, c’est le transfèrement de Laurent Gbagbo à la Haye et la médiatisation de sa première audience. C’est qu’ils avaient pris toutes les dispositions de mauvais traitements physique et moral dans les goulags de Korhogo pour en faire une loque humaine, et présenter l’image d’un homme qui viendrait à l’audience implorer la clémence de ses bourreaux. Que non ! Ils se sont encore trompés, erreur sur la personne.

“Madame le juge, j’ai été arrêté le 11 avril 2011 sous les bombes françaises. Président de la république, la résidence du président de la République  a été bombardée du 31 mars 2011 au 11 avril 2011. Une cinquantaine de chars français encerclaient la résidence pendant que les hélicoptères bombardaient. C’est dans ces conditions que j’ai été arrêté (…) c’est l’armée française qui a fait le travail. Elle nous a remis aux forces de Alassane Ouattara qui n’étaient pas encore la force régulière de Côte d’Ivoire”.

Ces premiers mots qu’il a prononcés devant les télévisions du monde entier le 05 décembre 2011, très détendu, vêtu d’un costume impeccable, ont eu l’effet d’une bombe lancée dans la cour de l’Elysée. La perfidie, les mensonges de la France officielle et la laideur morale de ses dirigeants venaient ainsi d’être mises à nu.

Ce sont ces erreurs auxquelles s’ajoute la vision, la détermination et la très forte personnalité de Laurent Gbagbo qui ont suscité le mouvement mondial de solidarité, fait inédit autour d’un prisonnier de la Haye, et qui met de plus en plus dans l’embarras tous les conspirateurs dans ce complot mondial contre un homme et la démocratie en Afrique et dans le monde entier. A l’évidence la françafrique fondée sur la conspiration est un monstre fragile, un vampire qui ne supporte pas la lumière du jour. Qui vit de mensonges et craint la vérité. La lutte pour la manifestation de la vérité à la face du monde va connaître son aboutissement à la faveur du procès du président Laurent Gbagbo et du ministre Charles Blé Goudé en cours à la Haye.

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