Morts en cascade des opposants en Côte d’Ivoire

Mais qui tue donc les cadres du FPi !?

Par César ETOU & Boga SIVORI

Qui tue nos cadres ? Qui empoisonne nos cadres ?.

Question inquiétante ! Mais question pertinente qu’aucun cadre de l’opposition ivoirienne n’ose pourtant aborder publiquement.  Cependant, dans les salons décimés par la mort et lors des rassemblements pour les obsèques, la question est évoquée avec effroi par les cadres en vie dans l’opposition ivoirienne. Notamment au sein du Front populaire ivoirien resté fidèle au président Laurent Gbagbo et du PDCI-RDA opposé au RHDP unifié.

Le samedi 8 décembre 2018, dans la délégation conduite par Simone Ehivet Gbagbo au domicile du Pr. Séry Bailly, cadre du FPI décédé le 2 décembre, 24 heures après l’inhumation du président Abou Drahamane Sangaré, un haut cadre du FPI, habituellement courageux et un peu «s’en-fout-la mort» sur les bords, s’est confié, visiblement terrifié, au DP de la Voie Originale : «Ma femme et mes enfants m’interdisent désormais de répondre à des invitations à manger et même de serrer certaines mains !».

A quelles mains font-ils allusion cette épouse et ses enfants terrorisés et inquiets pour la vie de leur époux et père ?

«C’est à chacun de nous, cadres du FPi surtout, de décrypter ce conseil», répond le brave camarade de Simone Ehivet Gbagbo, qui n’ose même pas se prononcer ouvertement sur la suggestion enregistrée en famille. Mais une chose reste certaine, la peur règne dans le camp des opposants politiques ivoiriens.

Et il y a de quoi! Que de décès bizarres, d’un seul côté! Ils sont au nombre de six très hauts cadres de l’opposition à avoir tiré leur révérence, de façon bizarre, en l’espace de quatre mois. Sur la liste macabre, on retrouve, des plus récents aux plus anciens décès enregistrés sur le territoire ivoirien:

– Le Pr. Séry Bailly Zacharie,

Ancien ministre, cadre FPI de Daloa, Centre-ouest du pays, décédé le 2 décembre 2018;

– Le président Abou Drahamane, Sangaré,

ancien ministre d’Etat, ancien Inspecteur général d’Etat, fidèle parmi les fidèles de Laurent Gbagbo, membre fondateur de son parti, président par intérim surnommé le Gardien du Temple, décédé le 3 novembre 2018;

– Marcel Gossio, ancien

DG du Port autonome d’Abidjan, cadre FPI de la tendance déviationniste, originaire de Bloléquin (Ouest du pays), décédé le dimanche 21 octobre 2018;

– Raymond Abouo N’Dori,

ancien ministre de la Santé puis de la Construction du président Gbagbo, cadre FPI de la tendance déviationniste, originaire d’Agboville, décédé le samedi 8 septembre 2018.   Fait notable, Gossio et Abouo N’Dori, selon les rumeurs, bataillaient pour mettre fin au déviationnisme et rejoindre le camp Gbagbo incarné par Abou Drahamane Sangaré ;

– Kouakou Kouadio Louis,

Robuste gaillard élu secrétaire général de la nouvelle Fédération FPI de Bouaflé, le 6 octobre 2018, ancien président de la Coordination FPI de Bouaflé, décédé le lundi 12 novembre 2018;

– Firmin Kouakou,

Secrétaire général adjoint du FPI chargé de l’Economie depuis le Congrès de Moossou, cadre de Bouaflé, décédé dans la nuit du mardi 28 au mercredi 29 août 2018.

– Sylvain Miaka Ouretto

Jusqu’ici, personne n’osait y penser, mais ces dernières semaines, avec ces morts en cascades au FPI, ils sont nombreux ceux qui se souviennent que Sylvain Miaka Ouretto, ex président du Conseil général de Soubré, ex-député de Buyo, président par intérim du FPI, cadre de Soubré, est décédé dans la nuit du vendredi 23 au samedi 24 octobre 2015, dans des conditions aussi bizarres que les morts enregistrées depuis quatre mois.

Parce que, jusqu’à une date récente aussi, il n’y avait aucune piste pouvant permettre de trouver une réponse idoine à cette lancinante question. Mais depuis les déclarations du général Gaston Ouassénan Koné, qui a échappé à une mort certaine, la réflexion sur ces décès est désormais ouvertement engagée.

La piste Ouassénan Koné

De retour de France où il avait été évacué de toute urgence par sa famille, le député de Katiola, cadre influent du PDCI-RDA d’Henri Konan Bédié, Gaston Ouassénan Koné a publiquement déclaré avoir été «empoisonné à Korhogo !» (aux obsèques de Ténéna Victor Yéo, ancien maire de Korhogo, au Nord de la Côte d’Ivoire). En d’ajouter: «les gens ne veulent pas qu’on en parle, et pourtant c’est cela la réalité». Depuis la sortie du miraculé de Korhogo, beaucoup attendaient que le procureur de la République, Richard Christophe Adou, si prompt à traquer les maires insoumis au régime pour des soupçons de détournement d’argent, se saisisse des accusations du général Gaston Ouassénan Koné pour ouvrir une enquête sur cette affaire de décès en cascade, par mort naturelle ou par empoisonnement, des cadres de l’opposition.

Ceci pour au moins trois raisons dont la première est liée à la fonction et à la qualité de l’homme. Ancien commandant supérieur de la gendarmerie nationale, le général Gaston Ouassenan Koné a été plusieurs fois ministre sous les président Houphouët et Bédié. Vice-président du PDCI-RDA, il est actuellement député à l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire. Il est donc un homme d’Etat qui ne saurait mentir sur son sort. Mieux il sort d’une évacuation médicale. Il s’est donc appuyé sur son dossier médical pour faire une telle affirmation lourde de conséquence. Son dossier est certainement en sa possession et le procureur, s’il le désire, peut se le procurer.

La deuxième raison, c’est que le général Ouassenan sait exactement où il a été «empoisonné» et à quelle occasion. Il dit lui-même que c’est à cérémonie à Korhogo. Il sait donc qui l’a invité, où il a mangé, qui était son voisin de table. Ouassénan a donc tout ce qu’il faut pour permettre au procureur de la République de faire une enquête sérieuse et rapide pour démasquer qui a «empoisonné» ce haut cadre du PDCI.

Enfin, troisième raison, les accusations de Ouassénan confirment les rumeurs d’empoisonnement qui parcouraient déjà le pays à propos des décès surprises de cadres du FPI.

Attention, le pays de plus en plus «vidé de sa substance»!  Depuis que le général Ouassénan a publiquement indiqué avoir été empoisonné, la psychose s’est installée dans le pays, la méfiance s’accroit entre les hommes politiques. Aujourd’hui quand un homme politique doit sortir, le seul conseil que sa femme et

ses proches se précipitent à lui donner, c’est de «ne rien manger en public, de ne pas serrer n’importe quelle main». De sorte que cette affaire d’empoisonnement est pratiquement devenue un cas de «trouble à l’ordre public». Or le procureur de la République est le gardien de l’ordre public.

Il doit donc s’autosaisir afin de ramener la sérénité et la confiance entre les Ivoiriens, principalement dans la classe politique. C’est une nécessité pour la réconciliation nationale et pour la cohésion sociale. L’on peut nous taxer de faire de la surenchère en nous interrogeant sur les décès bizarres dans les rangs du FPI. Mais le cas Ouassénan Koné offre l’unique occasion de clarifier la rumeur sur ces morts.

En vérité, la Côte d’Ivoire enregistre trop de choses bizarres, pour la première fois de son histoire, depuis un certain 11 avril 2011 de très triste et lugubre mémoire. Avant cette date fatidique, des hommes politiques avaient promis de «mélanger le pays», de «rendre ce pays ingouvernable ». Aujourd’hui, personne ne peut le contester, la Côte d’Ivoire est effectivement mélangée et ingouvernable! Enfin, au sommet de l’Etat, proclamation a été ouvertement faite de «vider le FPi (opposition) de sa substance». Beaucoup ont pensé qu’il s’agissait d’une projection de division des Ivoiriens. Car sur ce plan, tous les partis politiques viables sont divisés: FPI, PIT, MFA, … et PDCI !

Toutes les organisations syndicales et religieuses sont divisées. Mais cela ne semble pas suffire. Alors, le pays semble être dans la dernière phase de la lugubre prophétie des hagiographes de ce farouche désir de division qui ont affirmé que «celui qui s’oppose… va au cimetière» ! Or, en démocratie, il existera toujours des gens pour s’opposer.  Et le PDCI de Ouassénan Koné le démontre aisément de nos jours, comme l’a toujours fait le FPI de Laurent Gbagbo. Faut-il alors attendre craindre qu’on conduise tous les cadres de l’opposition au cimetière ? Il ne sera pas dit que la Voie Originale, comme dans la légende du colibri racontée par feu Abou Drahamane Sangaré, n’aura pas fait sa part de tâche : S’interroger ouvertement.

Source: la Voie orginale / N°375 du lundi 10 décembre 2018

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