Décès du célébrissime écrivain dramaturge Bernard Binlin Dadié.

Le baobab s’est couché.

Par BOGA SIVORI

La Côte d’Ivoire digne est en deuil. L’Afrique digne est en pleure ! Le père ivoirien de la lutte pour l’émancipation de l’Afrique noire, le célébrissime écrivain dramaturge Bernard Binlin Dadié a tiré sa révérence le samedi 9 mars dernier. Celui qu’on identifie comme le père de la littérature ivoirienne a tourné dos au monde des vivants à l’âge de 103 ans.

Avec la disparition de Bernard B. Dadié, c’est l’un des baobabs africains qui ont consacré et continuent de consacrer leur vie à la lutte pour une Afrique libre, souveraine et donc digne, à travers la littérature qui s’est couché. Mais qui était vraiment Bernard B. Dadié ? L’écrivain Bernard B. Dadié Bernard B. Dadié était un écrivain dramaturge de dimension internationale. Père de la littérature ivoirienne et figure de proue de la littérature africaine, il a inscrit son nom en lettres d’or dans la grande famille des hommes de la culture mondiale. Bernard B. Dadié est en effet, auteur d’une œuvre littéraire véritable prolifique qui aborde tous les genres littéraires: poésie, roman, théâtre, chroniques, contes traditionnels, le plus significatif étant le théâtre.

En 1965, il obtient le grand prix littéraire d’Afrique noire pour son œuvre «Patron de New York». Il a également gagné le prix UNESCO/UNAM en 2016 pour son action en faveur de la culture africaine et le Grand prix des mécènes de l’édition 2016 des Grands prix des associations littéraires en 2017 en hommage à toute son œuvre biographique. Bernard B. Dadié compte plus d’une vingtaine d’œuvres littéraires dont 4 chroniques ; 6 titres de théâtre ; 4 Nouvelles ; 4 poèmes et 2 titres biographiques. L’Homme politique L’histoire retiendra du célébrissime écrivain qu’il se sera battu toute sa vie pour l’indépendance de son pays, la Côte d’Ivoire, et pour l’émancipation de l’Afrique, son continent. Après ses brillantes études à l’école normale William-Ponty de Gorée, au Sénégal, Bernard Binlin Dadié travaille pendant une dizaine d’années à l’Institut fondamental (IFAN) de Dakar. Il rentre en Côte d’Ivoire en 1947 et milite au sein du Rassemblement Démocratique Africain (RDA) dont la section ivoirienne était dirigée par le président Houphouët-Boigny. Il va alors se consacrer à la lutte pour l’indépendance de son pays. En 1949, il est arrêté et jeté en prison où il passe seize mois. La prison ne sera pas pour autant un frein à son combat politique. Bien au contraire, à l’intérieur de celle-ci, il tient un journal qui ne sera publié qu’en 1981, Carnets de prison.

Pendant plus d’une décennie, de 1937 à 1947, Dadié entre dans la vie active à la direction de l’Enseignement puis à la BibliothèqueArchives du Palais Verdier où il est affecté en qualité de commis de l’Administration.

Au cours de cette période, il se frotte à l’élite de l’A.O.F et il respire un air de liberté dont son pays est à l’époque privé. Il est également témoin des fusillades de Fann, pendant lesquelles la police militaire de l’A.O.F procède à des exécutions arbitraires, ou encore du massacre de Thiaroye le 1er décembre 1944. Ces événements le poussent à un engagement direct. Il participe largement à la mise en place du Centre d’études franco-africain (CEPA) par lequel sont promus en Afrique de l’Ouest les idéaux de justice et d’émancipation du peuple. C’est, au demeurant, dans plusieurs répliques de ce centre que le Rassemblement Démocratique Africain recrute principalement ses premiers militants. À partir de 1947, Dadié collabore en qualité de rédacteur à la Communauté, un hebdomadaire qui s’oppose à la Déclaration de Brazzaville et appelle à l’indépendance des pays d’Afrique. Il utilise alors plusieurs pseudonymes tels que Bakar Diop, Mourou Ben Daouda, Guèye Diop, El Hadj N’diaye, M.B. Gueye, Jean Dody, ou encore Le Veilleur. Dans cette position, il anime à Agboville et à Abidjan, deux réseaux clandestins d’informations sur un modèle appris à Dakar durant la guerre. Ceci lui permet de déjouer les pièges de la répression émanant de l’Administration coloniale contre le mouvement. Pendant ce temps, la ligne de conduite choisie par la majorité des lettrés africains et ivoiriens est l’émancipation effective de l’homme africain, mais pas l’indépendance, quand Dadié, dès le début, opte pour l’émancipation totale dans et par l’indépendance. Toutefois, il s’accommode de la position dominante, sachant qu’il faut le soutien d’un parti politique populaire pour espérer ébranler la puissance coloniale française dont la démonstration de force est en ce moment-là perceptible dans un déchaînement de violence au Viêt-Nam et à Madagascar. Se pliant ainsi à une stratégie de groupe, il ne manque cependant pas, au cours des années de lutte de 1945 à 1953 et bien plus tard, à exprimer ses réserves, et parfois même à marquer sa différence. Dadié et le PDCIRDA et la transition militaire Après l’indépendance de la Côte d’Ivoire en 1960, Bernard Dadié rejoint l’Administration de Félix Houphouët-Boigny et occupe les fonctions de chef de cabinet du ministre de l’Éducation nationale.

Par la suite, il est nommé Directeur des Affaires culturelles, puis Inspecteur général des Arts et Lettres et plus tard, ministre de la Culture et de l’Information entre 1977 et 1986. Le combat patriotique sous Ouattara L’écrivain centenaire a critiqué à plusieurs reprises le gouvernement d’Alassane Ouattara. En avril 2015, dans une lettre ouverte au président François Hollande, Dadié met en garde le président ivoirien contre «la colère du peuple» et lui reproche les crimes qu’il aurait commis. «Que Ouattara se souvienne que le peuple de Côte d’Ivoire semble être son prisonnier, mais lui est prisonnier de ses propres turpitudes et avec lui ses parrains. Et quand le peuple se lèvera pour briser ses chaînes, ce qui ne saurait tarder.».

Au mois de juin 2016, c’est par le biais d’une pétition qu’il initiée avec l’ancien Premier ministre Togolais Koffigoh que Bernard Dadié tente de faire libérer Laurent Gbagbo, l’ancien président ivoirien détenu à La Haye suite à la crise politique ivoirienne de 2010. Cette pétition dont les résultats ont été rendus publics en décembre 2016 par Trazié Francis, l’huissier en charge, a rassemblé plus de 26 millions de signatures. Dommage que le célèbre écrivain qui s’est battu pour la libération du président Gbagbo ait été emporté par la mort au moment où acquitté, il va bientôt rentrer en Côte d’Ivoire.

Source: Lundi 11 mars 2019 – la Voie originale n°389

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