Kouadio Konan Siméon dit KKS, ancien candidat à l'élection présidentielle de 2015 en Côte d'Ivoire.

DÉCLARATION DE KKS RELATIVE AUX ELECTIONS MUNICIPALES ET RÉGIONALES ET A LA NÉCESSITE DE LA TRANSITION DÉMOCRATIQUE CONSENSUELLE ET INCLUSIVE

Par Konan Kouadio Siméon (KKS), Président d’Initiatives Pour la Paix en CI (IPPCI), Groupement de plusieurs organisations citoyennes

Ainsi donc, nos arguments, avertissements et mises en gardes n’auront pas réussi à faire fléchir les uns et les autres dans leur volonté mortifère d’en découdre, que dis-je ? De ‘’se peser’’. Eh bien ! C’est chose faite. Les dites opérations d’évaluation ont bel et bien eu lieu le 13 octobre comme décidé et depuis hier, les poids respectifs sont connus. Le cortège funeste et le bilan macabre aussi.

Même si le gouvernement qui clame sa grande satisfaction tente d’en minimiser l’ampleur en annonçant officiellement 5 morts (la CEI, elle, n’a annoncé que 1 mort) des sources concordantes font état d’un bilan bien plus lourd :

Outre l’image désastreuse et déshonorante des scènes ubuesques et spectaculaires de fraudes et de braquages offerte au monde, la paralysie de l’activité économique et les vives tensions consécutives aux manifestations de protestation et de contestation dans plusieurs villes du pays, l’on dénombrerait au moins une dizaine de morts, des portés disparus, de nombreux blessés, des destructions massives de biens et d’importants dégâts matériels.

Avec quel cœur arrive-t-on à se satisfaire d’une initiative qui aboutit à autant de morts et de destructions ? Comment comprendre le silence assourdissant des autorités et leaders politiques plutôt préoccupés à compter leurs sièges? Et Monsieur le procureur de la république d’ordinaire si prompt ?

Je veux, pour ma part, m’incliner devant la mémoire des victimes et souhaiter prompt rétablissement aux blessés.

Certes, ce bilan est à inscrire à l’actif déjà si chargé de la CEI illégale de M. Youssouf Bakayoko mais la responsabilité incombe entièrement aux gouvernants et à tous ceux qui, par des calculs politiciens et mesquins, se sont prêtés à ce jeu mortifère en engageant leurs partisans dans cette aventure à l’issue périlleuse prévisible, voire bien connue d’avance. Ni le pdci, ni le rhdp, de même que tous les participants à cette élection, ne pouvait ignorer de bonne foi la certitude de la survenance d’affrontements fratricides à cette élection. Ils portent tous sur leur conscience la mort de ces innocentes personnes et doivent en tirer toutes les conséquences.

D’ici là, la vie étant ainsi faite qu’en chaque situation, même malheureuse, se cache immanquablement un élément positif, ces élections, avec ce lourd bilan et la crise postélectorale qui s’enfle, auront tout de même eu le mérite d’offrir à la face du monde, la preuve la plus éloquente et la démonstration définitive que toute consultation électorale organisée dans le contexte actuel où l’étincelle et l’oxygène ne sont jamais en manque, ne pourra que servir de combustible pour l’embrasement de la Côte d’ivoire.

S’il en était encore besoin, les faits douloureux de ces derniers jours viennent nous rappeler la vérité que je n’ai cessé de clamer, à savoir que dans cette ambiance de rupture de confiance entre les acteurs, rupture consécutive à la longue crise faite d’antagonismes et de confrontations meurtrières, aucune élection, comme cela a été confirmé tout le long de ces trois dernières décennies, ne peut échapper à la suspicion et la contestation systématiques et donc aux troubles et aux tragédies, aussi longtemps qu’elle sera organisée par un protagoniste. Ce que nous observons aujourd’hui avec de simples élections locales est symptomatique de ce qui nous attend en 2020.

Ne nous voilons pas la face, même avec une CEI rééquilibrée, la Côte d’Ivoire ne fera pas l’économie d’une crise postélectorale de grande envergure. Ne nous berçons pas d’illusion de croire naïvement que le juge rhdp des élections déclarera vaincu le candidat du rhdp à l’élection Présidentielle organisée par le pouvoir rhdp. Souvenez-vous, en 2010 nous avions une CEI où l’opposition était majoritaire. Cela ne nous a pas évité la grave crise postélectorale dont nous vivons encore les effets.

En réalité, le véritable problème est moins la question de la CEI que de la peur des suites de la perte du pouvoir. Dans un contexte d’animosité chronique et d’antagonismes fratricides récurrents où le calumet de la paix, faute de réconciliation, n’a pas encore été fumé, loin s’en faut, la perte du pouvoir au bénéfice de l’adversaire vu comme l’ennemi apparait comme un acte suicidaire pour soi-même et pour ses partisans.

Aussi invraisemblable que cela puisse paraitre, nous en sommes hélas arrivés là à la vérité. C’est une question de vie ou de mort. Conserver le pouvoir, c’est assurer sa sécurité et la sécurité des siens. Perdre le pouvoir c’est s’exposer et exposer les siens au péril.

La peur du retour du bâton, la peur de la vengeance, voilà la raison profonde du jusqu’auboutisme suicidaire, voilà, hier comme aujourd’hui, la cause du drame ivoirien. Si nous voulons donc une élection aux lendemains paisibles, il nous faudra au préalable apporter une réponse rassurante à la fameuse question de : A quelle sauce serons-nous mangés si le pouvoir passe de l’autre côté ?

Apporter une réponse rassurante à cette question, c’est éradiquer la peur, éradiquer la peur, c’est traiter la cause de la peur, c’est mettre à nu la vérité pour rechercher le pardon, la réconciliation et la paix. Apporter une réponse rassurante c’est arriver à remplacer la peur, la crainte, la haine par l’AMOUR. Apporter une réponse rassurante à cette question, c’est amener les filles et les fils de la nation à fumer à nouveau, dans la confiance retrouvée, le calumet de la paix.

Vous l’avez compris, ce travail de réinitialisation de nos relations et de re-création du climat de confiance ne saurait se faire ni dans un cadre partisan, ni sous une quelconque pression temporelle. Elle exige une halte dans un cadre neutre, consensuel et inclusif. Voilà tout le sens de la proposition de l’ouverture d’une transition démocratique et consensuelle que je porte depuis 2005 et maintenant, avec de nombreuses organisations citoyennes.

Aussi, tout en réitérant ma plus profonde compassion au peuple de Côte d’Ivoire pour ce énième moment de deuil et d’angoisse et en appelant au calme, à l’apaisement et à la retenue, voudrais-je saisir à nouveau cette occasion pour réitérer avec insistance notre appel :

1) Au dialogue et à la concertation nationale inclusive à l’effet de dégager, dès maintenant même, le consensus nécessaire autour des modalités de cette transition qui devra s’ouvrir dès la fin constitutionnelle du mandat du Président Ouattara.

2) Au Président de la république pour la mise en place d’un gouvernement de large ouverture, dans un souci de rassemblement et d’union pour une fin de mandat apaisée et sereine.

3) A l’union et au rassemblement des filles et fils de la nation pour la sauvegarde de notre pays par la mise en place d’une plateforme alternative pour faciliter et promouvoir l’avènement des chères idées ci-dessus énumérées.

Source: IvoireBusiness du samedi 20 octobre 2018

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