Le mythe d’origine de la chefferie de terre versus la chefferie de village à Fresco

Une version de Dago Sylvain Léandre Kokora

A. La chefferie de terre exercée par les Lezegnoa

Du temps où les Kognoa habitaient encore sur l’île de Leukpeu, bien longtemps avant l’arrivée des Portugais, c’est-à-dire fin XIVe début XVe siècle, un chasseur de Bhayiri et son neveu de Lézeko, Blègoué, sont partis à la pêche sur un radeau de fortune[1]. Au hasard de leur randonnée, ils découvrent le cordon littoral entre le plan lagunaire et l’océan. La beauté du site, fait de sable blanc a aussitôt frappé Blégoué qui a décidé d’en parler à ses parents. Aussi, lorsque son oncle le chasseur, impatient de poursuivre sa chasse lui a intimé l’ordre de partir, il a pris une poignée de sable et quelques coquillages qu’il a emballés dans un pan de son cache-sexe, en guise de preuves. Dès leur retour au village, il en a donc parlé à ses parents qui se sont rendus chez le chef d’alors pour l’informer de cette découverte, en précisant que l’endroit était approprié pour y installer un village à l’abri des agressions surprises des autres peuples. Le chef dépêcha une délégation pour constater les faits.  Après le rapport des envoyés, le tocsin fut sonné pour réunir le village et publier la découverte faite par les Lezegnoa.

Les Bayouhou ont revendiqué la paternité de cette découverte, sous le prétexte que leur fils était l’initiateur de la partie de chasse ainsi que l’oncle de Blegoué, mais qu’il voulait d’abord faire sa toilette avant d’informer ses parents. Le tribunal du chef et les sages des villages les ont déboutés car, ont-ils objecté, s’il s’agissait d’un danger qui menaçait le village, le moindre retard aurait pu être fatal. Voilà comment depuis ce temps, Lézeko exerce la chefferie de terre à Fresco.

Le Blégoué du mythe d’origine daté du début du XVe siècle, est différent du Blégoué qui a engendré BLÉGOUÉ DAGO-ABY, le père de Bahaba Mahanou[2] qui, lui, est né au XIX siècle, soit après 1800.

B. La chefferie du village exercée par les Datibouheu : elle résulte d’une histoire autre que celle de la terre.

A la suite d’un grand conflit entre les différentes familles pour savoir qui devait exercer la chefferie vacante du village, les sages ont envoyé une délégation   consulter le grand génie « Gblignaba » situé vers l’actuel Liberia. Les oracles de ce génie étaient, dit-on, infaillibles. Il préconisa deux épreuves pour départager tous les prétendants.

Pour la première, une gourmette était placée dans une marmite pleine de riz cuit à point. Le vainqueur serait celui qui l’attraperait pendant le repas. Chaque famille désigna un robuste garçon pour participer à la compétion, à l’inverse de   Datiberi qui présenta un gringalet si petit qu’on le surnommait « Yéré-tihn »[3]. Pendant que ses adversaires se battaient autour de la marmite, « Yéré-tihn » se glissa entre eux, et dès qu’il réussit à y mettre sa main, le bracelet se retrouva autour de son poignet.

A la deuxième épreuve, il fallait poursuive et attraper un coq. Les gens partirent à pleine vitesse à la poursuite du coq. « Yérè-tihn », qui ne pouvait rivaliser avec eux en course, s’assit négligemment.

Après plusieurs tours et détours à promener ses poursuivants, le coq, à bout de souffle vint se réfugier sous « Yéré-tihn » qui n’eut qu’à s’en emparer.  Il fut déclaré vainqueur et depuis lors, sa famille, Datiberi exerce la chefferie du village de Fresco.

 

 

 

 

 

 

Annexe

Voici les appellations des 12 quartiers constitutifs de Fresco ou Koyiri : Dokotiéko, Mosso Datibeli, Dogueheu, Sika Dogueheu, Lokoselia,  Lokodou, Zigrebely, Djiprida, Lézeko, Gbako,  Zipkely,  Logozilia.

Annotations

[1] L’usage des pirogues comme moyen de transport fluvial n’était pas encore connu par les Kognoa.

[2] Manou est connu au civil sous les identifiants de Kokora Édouard, dit Manou

[3] Tihn est un diminutif qui veut dire « tout petit »

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