Pour s’attaquer ouvertement à Gbagbo, Affi refuse de couper les liens avec Ouattara

Par J-S LIA

Pour certains, on n’aurait pas dû en arriver à là. Ceux là rêvaient encore de voir donner une chance pour sceller l’unité du parti. Pour d’autres, au contraire, il a fallu que cela arrive pour que chacun soit définitivement situé sur les réelles intentions du président du FPI exclu par le Congrès de Mama en avril 2015. Toujours est-il que l’histoire de la rencontre avortée Gbagbo-Affi est riche d’enseignements et pourrait confirmer la fin politique de celui qui a reconnu qu’il n’était«pas forcément le meilleur, le plus ancien ni le plus intelligent parmi tous les cadres du fpi». Il y a d’abord cette déclaration que nul ne peut remettre en cause, celle qu’Affi N’Guessan a faite avant de quitter la Côte d’Ivoire : «Je m’en vais voir mon patron en Belgique». Etymologiquement, le Patron, c’est le chef, c’est celui qui dirige. Du patronus issu de “pater” – le père – avec comme sens dérivé le “protecteur”, ce terme désigne en général un défenseur, et dans l’usage moderne courant, le dirigeant qui a le pouvoir effectif. Dans une , le patron est donc celui qui détient le pouvoir hiérarchique. Ainsi en sollicitant une entrevue avec son «patron», Affi N’Guessan reconnait d’office que Laurent Gbagbo détient le pouvoir hiérarchique dans l’organigramme du FPI. En l’espèce, il reconnait Laurent Gbagbo comme le président du FPI, car c’est de cela qu’il s’agit. Raison pour laquelle, en sollicitant une rencontre avec Laurent Gbagbo, il est passé par un intermédiaire, en la personne de l’ambassadeur Emmanuel Ackah, reconnu au FPI comme «ami discret mais très proche et très écouté du président gbagbo». Sinon, un chef ne sollicite pas un intermédiaire pour rencontrer son sujet. Cependant, ensuite, il y a que celui qui souhaite rencontrer son patron a une histoire. Au 3èmecongrès extraordinaire de Mama, tenu le 30 avril 2015, au regard des textes du parti, Affi a été déchu de la présidence du FPI et exclu du parti. Et le congrès a élu Laurent Gbagbo à sa place. Celui-ci a nommé feu Abou Drahamane Sangaré pour assurer son intérim. Dès lors, Affi N’Guessan est entré dans une dissidence avec une partie des militants (ceux qu’on appelle les pro-Affi) qu’il dirige avec les emblèmes du parti (notamment la dénomination FPI et le logo).

Affi s’est ainsi allié au régime Ouattara qui lui a donné sa bénédiction en le proclamant seul dirigeant FPI officiel ! Sauvage et inélégante immixion de l’Etat dans la gestion des partis politiques dont Affi a passé outre pour opérer sa rupture de ban avec tous ceux qui partagent, avec son patron, l’idéologie du parti. Chemin faisant, tout le temps que Laurent Gbagbo a passé en détention à La Haye, Affi N’Guessan a tenu à le rencontrer. Mais toutes ses demandes ont été rejetées par Laurent Gbagbo. Pour ceux qui ne savent pas le système des demandes d’audience au centre de détention de la CPI, il n’y a pas d’intermédiaire. Celui qui sollicite une audience écrit directement au prévenu via internet. Et c’est en fonction de sa réaction que le greffe de la CPI appelle le demandeur. A chaque demande d’Affi, le Président Gbagbo lui a constamment demandé à quel titre il veut le rencontrer à la CPI. L’une des raisons majeures pour lesquelles Laurent Gbagbo n’a pas accepté de recevoir Affi N’Guessan à La Haye, c’est que le pauvre continuait de se prévaloir du titre de président du FPI. Or, c’est cette posture qui a fait que feu Abou Drahamane Sangaré lui a toujours fermé sa porte. C’est enfin cette posture qui a fait que sortie de prison avec de très bonnes intentions, Simone Gbagbo n’a jamais accepté ses demandes d’audiences à Abidjan… Acquitté par la CPI et sorti de prison, selon nos informations, Laurent Gbagbo a été approché par Affi. Cette fois par l’intermédiaire d’Emmanuel Ackah. Affi a frappé à la bonne porte. Laurent Gbagbo a accepté de le recevoir, vu qu’il a confié à l’intermédiaire que «l’union au sein du parti est fondamentale, le rassemblement est nécessaire». Mais en vérité, Gbagbo n’a jamais cru en Affi.

Et il aurait dit à son ami, qui insistait, qu’il allait lui démontrer qu’Affi ment grossièrement. Laurent Gbagbo a demandé à Ackah de dire à Affi qu’il peut le recevoir dès qu’il déclare publiquement qu’il se soumet aux résoltuions du Congrès de Mama confirmées par le Congrès de Moossou. Dans l’entendement du Président Gbagbo, si Affi pose cet acte, il se sera au moins émancipé, de façon extraordianire, du régime Ouattara qui le soutient dans un problème interne au FPI. Plus qu’une condition ou un préalable, c’est une logique politique que Laurent Gbagbo rappelle dans le communiqué signé d’Assoa Adou après l’échec de la rencontre de Bruxelles. Affi N’Guessan savait donc ce qu’il devait faire avant de prendre son vol pour Paris, c’est-à-dire rompre avec Ouattara et aller rencontrer son patron à Bruxelles, en Belgique. Cette tâche accomplie, envisager la possibilité de son retour au FPI serait ouverte. Affi avait le choix entre refuser cette logique et rester à Abidjan ou l’accepter et voyager. Le Président Gbagbo aurait prévenu son ami Emmanuel Ackah qu’Affi allait réfuser de rompre avec le régime d’Abidjan mais son ami continuait de croire : «laurent est trop pessimiste sur ce sujet». A l’arrivée, Affi a pris son vol pour Paris, le 19 mars, avec une arrière-pensée, telle que rapportée dans la déclaration du FPI, le 22 mars 2019 : «Monsieur pascal affi N’guessan avait alors fait savoir au président qu’il acceptait ce préalable et qu’il s’engageait à faire une déclaration en ce sens avant leur rencontre. De manière fort surprenante, Monsieur pascal affi N’guessan a annoncé une rencontre avec le président laurent gbagbo, sans avoir pour autant fait ce qu’il s’était engagé à faire». Certes, le Président Gbagbo n’avait pas souhaité que l’affaire s’ébruite, mais avec tout ce qu’Affi a déclaré sur lui et ses partisans, le patron a tenu à prendre ses précautions. Aussi, une fois à Paris, Emmanuel Ackah se serait étonné de la reculade d’Affi et lui aurait proposé d’arranger les choses en faisant venir un journaliste pour que le voyage ne soit pas vain. Ce n’est donc pas à Paris qu’Affi N’Guessan a été mis au fait de cette déclaration comme il l’a fait croire en retournant bredouille de Paris par sa propre faute. En quittant Abidjan pour Paris afin de rencontrer l’intermédiaire avant Bruxelles, Affi N’Guessan acceptait de facto de faire cette déclaration avant sa rencontre effective avec Laurent Gbagbo. Le l’ayant pas fait, il a donné raison au Président Gbagbo et deçu Emmanuel Ackah qui a tout essayé pour lui. Selon nos informateurs très proches du dossier à Bruxelles, l’ami du Président Gbagbo a décidé de se taire sur cette question et tous les efforts de la Voie Originale pour l’avoir au téléphone n’ont pas abouti.

Source: La Voie Originale numero 391. Mise en page le 24/03/19.

 

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