L’histoire cachée du séjour de Simone Gbagbo à Gagnoa

En attendant le retour de son époux en Côte d’Ivoire

L’histoire cachée du séjour de Simone Gbagbo à Gagnoa 

Par César ETOU

envoyé Spécial du journal “La Voie Originale”

Ason entrée à Mama, ce mercredi 6 février 2019, le long cortège de véhicules accompagnant Simone Ehivet Gbagbo et sa famille, depuis la fin de la matinée à partir de Gagnoa (270 km d’Abidjan au Centre-Ouest de la Côte d’Ivoire), a été littéralement happé par une immense foule en liesse.  Il était 20h30, et la nuit avait déjà enveloppé le petit mais désormais célèbre village paternel du président Laurent Gbagbo, otage de la CPI, «acquitté de toutes les accusations» mais retenu «libre dans une petite ville au Sud de la Belgique», selon l’ex-Première Dame de Côte d’Ivoire qui a eu plus de 30 minutes d’échanges téléphoniques avec son époux, quelques heures avant ce voyage sur Gagnoa. Le service d’ordre constitué de jeunes militants du Front populaire ivoirien (FPI, fondé et présidé par Laurent Gbagbo), renforcé et assisté d’un fort détachement de la gendarmerie nationale locale, est débordé. Des jeunes et des femmes en joie se couchent et se roulent par terre, sous la lumière des phares du cortège de véhicules ainsi bloqués. D’autres jeunes gens et femmes entonnent des chants en Bhété ou en Français à la gloire de Laurent Gbagbo : «On va installer Gbagbo, on veut Gbagbo, on veut Simone !», perçoit-on dans les refrains poussés à gorges déployées, en différentes versions françaises.  Impossible de se frayer un passage pour progresser vers le domicile du chef du village, espace aménagé pour recevoir Simone Gbagbo et sa délégation. La voie bitumée qui traverse Mama est obstruée par la marrée humaine, malgré l’heure tardive. Selon les informations recueillies sur place, Mama a vu sa population multipliée par dix, voire plus. Ils sont venus de partout, des villages voisins, mais aussi des villages lointains du Gbadi-Est, des frontiers des pays Bhété et Gouro. De leurs véhicules ou déjà accourus pour se render compte de la situation, les députés Martin Sokouri Bohui et Saturnin Boli Gaoudi accompagnés de nombreux cadres du FPI tels le Secrétaire national Barthélémy Youkpo et le fédéral FPI de Gagnoa sont aussi dépassés par l’affluence. Simone Ehivet Gbagbo et sa famille étaient pourtant annoncées pour 16h05 à Mama. «Nous sommes là depuis midi. et c’est à 20h, la nuit, que vous faites venir Mme Gbagbo.

Mais ça, c’est votre affaire. Si vous voulez, venez à minuit ! Nous, on sera encore là. On veut la voir et la toucher. C’est tout !» confie, à la Voie Originale, le porte-parole déclaré d’un groupe de jeunes mi-fâchés mi-joyeux, entouré par ses camarades qui approuvent tous ses propos.

De son véhicule de commandement bloqué par ces «coupeurs de route» en fête à Mama, l’ex-Première Dame de la République de Côte d’Ivoire (octobre 2000-11 avril 2011) a dû décrypter le message et le désir de la population en liesse. Elle fait ouvrir la portière de la 4X4 et met un pied à terre. Une hystérie collective et joyeuse secoue alors la foule en plusieurs séquences rythmées. Chanteurs et danseurs redoublent d’ardeur. Fini la fatigue de la longue journée d’attente. Simone Gbagbo serre quelques mains et se prête à quelques accolades. Spontanément, la foule satisfaite organise un défilé improvise auquel l’épouse du «Woody de Mama» se plie, avec son légendaire sourire aux lèvres. «la marche de Simone sur l’artère principale du village de laurent éclairée par les lampadaires et les phares de voitures» postées derrière le défilé, nous souffle, visiblement ému, un membre de la délégation, s’effectue sur près de 2000 mètres jusqu’au domicile du chef de village. Le défilé en chants et en danses dure une trentaine de minutes.

C’est donc aux environs de 21h15, que le Secrétaire national FPI Kadet Mathias, cadre de Mama, le chef du village et le chef de terre de Mama, font installer la delegation pour les échanges et allocutions. Cette étape de Mama marquait la fin d’un séjour voulu «strictement privé» par Simone Ehivet Gbagbo ellemême. Et pour ce déplacement sur les terres des parents de son époux, Mme Gbagbo s’est entourée d’une équipe exclusivement constituée de membres de sa famille biologique, les Ehivet de la Grande famille Amangoua de Moossou (Grand-Bassam). On y comptait l’adjudant-chef major à la retraite, Marcel Amangoua, chef de famille; Denise Ekra, l’ainée de la famille, Simon Pierre, le premier garçon dans les lignées des enfants Ehivet, Marie Victoire Ehivet Madi, la soeur cadette de Simone et Secrétaire nationale FPI chargée des Exilés politiques ; Laurence Gadô-Kipré, la fille jumelle de Simone et Laurent Gbagbo mariée à Stéphane Kipré, président de l’Union des Nouvelles Générations (UNG), le Secrétaire national Assémian Santin venu de Moossou, Bintou Ouattara, sa nièce, fille de Claudine Ehivet Ouattara, etc. Accompagnée de ce beau monde, Simone Gbagbo s’est rendue chez les parents du president Gbagbo pour honorer la mémoire de Lélé Gadô Marguerite, mère de son époux décédée alors qu’elle était en prison, et présenter ses condoléances aux parents de son époux. En raison du caractère privé de cette visite, a appris la Voie Originale auprès de la famille, «l’information du séjour a été secrètement gérée» jusqu’au dernier moment. Tant et si bien que de nombreux pontes locaux du FPI comme Joachim Brissi Troupa (ancient député de Guibéroua), s’est plaint de façon véhémente : «Comment peut-on nous laisser apprendre l’arrivée de Simone Gbagbo à Gagnoa par les réseaux sociaux et le jour même de son arrivée ? Ça, je ne suis pas d’accord !» s’est-il confié à la Voie Originale. Peut-être pour cela, la 2ème Vice-présidente du FPI a été accueillie à l’entrée Sud de la ville de Gagnoa, précisément en face du CAFOP, par une poignée d’anciens élus FPI des localités visitées, cadres et membres de la Fédération FPI locale.  Simone Ehivet Gbagbo a effectivement pointé à l’entrée de Gagnoa, ce mercredi 6 février à 11h. L’état de la route entre Tiassalé et Gagnoa, via Divo et Lakota, avec ses tronçons en travaux de bitumage, a causé 30 minutes de retard sur le programme établi par le cabinet de l’ex-Première Dame qui prévoyait qu’elle soit à Blouzon, à la même heure. A ce bref cérémonial d’accueil à l’entrée de Gagnoa, se trouvaient des femmes musulmanes, malinké et originaires du Nord. La tête couverte de voiles, elles ne cessaient, chacune, de répéter en embrassant Simone Gbagbo : «Bara banan ! Bara kèla !» (Dieu a fait son oeuvre ! tout est déjà accompli), selon la traduction d’un malinké. Ces femmes «Dioula», a-t-on appris, ont terriblement souffert de leur proximité avec le parti de Laurent Gbagbo, le président ivoirien renversé par la France de Nicolas Sarkozy au profit des rebelles d’Alassane Ouattara.

Par la magie d’internet, des images balancées en direct sur les réseaux sociaux, à partir du CAFOP ont produit instantanément leurs effets: Les populations, surprises de constater que l’épouse de Laurent Gbagbo vient de fouler le sol de Gagnoa, ont abandonné toutes leurs activités pour converger et envahir l’artère principale qui traverse Gagnoa, du Sud au Nord. Pour rallier Blouzon, village situé à 30 km de Gagnoa, où repose à jamais, depuis le 7 février 2015, la Patriarche Lélé Gadô Marguerite, Simone Gbagbo et sa famille ont mis 3h pour un tronçon de 30 minutes habituelles.

Depuis les quartiers de la ville de Gagnoa et des autres village du département jusqu’à Blouzon, en passant par Kokouézo, Kpapékou, Gnaliépa, Ouragahio, Karahi, Zébizékou, Gbigbikou et Didia, les populations des villages traversés ont obstrué la voie et transformé ce premier séjour de Simone Ehivet Gbagbo, après plus de 8 ans d’absence dont 7 passés en prison, en un périple politico-familial d’envergure. Dans tous les villages visités (Blouzon, Gnaliépa, Bodocipa et Mama), une marrée humaine venue de tous les cantons et villages voisins a littéralement pris d’assaut les espaces retenus pour recevoir Simone Gbagbo.

A Blouzon, les populations ont afflué de tout le canton Nékédi et au-delà, «attires par les sonorités du tam-tam parleur uniquement joué dans les occasions exceptionnelles », selon les explications du chef de canton, Boti Koudou, attentivement écoutées par Simone Gbagbo, face au gros instrument traditionnel tambouriné. En cette résidence occupée depuis le matin par une foule débordante,

Simone Gbagbo a vu se succéder, au micro, artistes, musiciens et poètes de la culture Bhété pour égrener des paroles à la gloire de «Laurent et Simone Gbagbo, la résistante faite dignité auprès du résistant fait dignité». Elle a noté les allocutions de bienvenue prononcées, avec émotion, par le chef de canton, hôte de la cérémonie, puis par le député Martin Sokouri Bohui, Vice-président du FPI, cadre du canton.

A Gnaliépa où la delegation a pointé à 18h alors qu’elle y était attendue à 14h, la salle du foyer polyvalent s’est avérée exiguë pour l’accueil. Accrochée aux grilles, tout autour du bâtiment, l’immense foule contrainte à rester dehors a suivi «les échanges de nouvelles» entre le chef de terre, parlant au nom du chef du village, et Mme Gbagbo. A Bodocipa, étape courue à 19h30 au lieu de 15h30, juste avant l’étape de Mama, en l’absence de sonorisation adéquate, c’est le député Sokouri Bohui qui a échangé les nouvelles avec les représentants des villageois, avant de laisser Simone Gbagbo prononcer quelques mots en Bhété, à la grande joie de la foule subjuguée. Enfin, la réception de Mama programmée pour 16h00 a eu lieu à 20h30. Mais souriante et visiblement rayonnante de joie, Simone Ehivet Gbagbo s’est prêtée à tous les efforts des parents du président Laurent Gbagbo pour lui témoigner leur affection.

A toutes ces étapes de son chaleureux périple chez les parents de Laurent Gbagbo à Gagnoa, les populations ont offert à Simone Ehivet Gbagbo de nombreux presents en nature (volaille, riz, condiments, moutons, etc.) et en espèces (de 1000 F à 200.000 FCFA), «en guise de soutien à l’épouse de notre fils qui a passé injustement plus de sept ans en prison pour ses opinions, pour sa fidélité à laurent Gbagbo, et pour son combat auprès de lui», selon les donateurs. Puis les porte-paroles des populations ont directement invité Mme Simone Gbagbo à leur donner «les vraies informations sur leur fils encore retenu par la CpI bien qu’acquitté».

En réponse à tant de générosité et de considération à son égard, Simone Ehivet Gbagbo a trouvé les mots appréciés pour expliquer les raisons de sa visite à Gagnoa, livrer les dernières nouvelles de son époux, Laurent Gbagbo, et donner des notes d’espoirs sur «son prochain retour en Côte d’Ivoire». A chaque étape, la foule secouée de joie et de bonheur a jouée de tous les stratagèmes pour retenir le plus longuement possible l’ex-Première Dame. Et le temps est passé, bouleversant totalement le programme trace.

 

Source: Lundi 11 février 2019 – La Voie Originale n°385

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